Pursuit Spirits lance United Kodama Mizunara, un bourbon 117 proof affiné en chêne japonais rare : notes d’épices nobles, santal et cacao, édition limitée.

Pursuit Spirits met sur le marché United Kodama Mizunara, un bourbon en édition limitée, assemblé et embouteillé à haut degré (117 proof, soit env. 58,5 % vol.). Le profil vient d’un double apport de bois : chêne Mizunara japonais pour l’épice et le santal, et chêne américain toasté par infrarouge pour une vanille crémeuse. La vente débute sur Whiskey Row (Louisville) au prix indicatif de 89,99 $ la bouteille. Ce lancement illustre la vague d’innovations du whisky américain qui s’inspire de techniques asiatiques, avec des finitions rares et des profils aromatiques inédits.

Le lancement d’un bourbon pensé bois par bois

Pursuit Spirits dévoile une cuvée conçue comme un dialogue entre deux chênes. Le lot baptisé Kodama – clin d’œil aux esprits des arbres dans le folklore japonais – associe deux sous-ensembles issus d’une même base de Triple Mash Bourbon. Le premier sous-ensemble est fini en fûts de Mizunara, un chêne japonais réputé rare et coûteux. Le second passe par des fûts de chêne américain toastés par infrarouge, technique destinée à intensifier les composés vanillés et lactoniques. L’assemblage final est embouteillé au degré de fût, 117 proof, pour préserver texture et intensité. La sortie initiale se fait en vente directe à Louisville (722 W. Main St, « Whiskey Row ») à 89,99 $. Ce positionnement prix vise l’amateur curieux des finitions rares, sans basculer dans la spéculation.

Le bois Mizunara, un pari aromatique et technique

Le Mizunara (Quercus crispula/Quercus mongolica) reste l’un des matériaux les plus recherchés du vieillissement moderne. Sa porosité et sa difficulté de mise en œuvre (bois tortueux, tendance aux fuites, nécessité d’arbres âgés) expliquent la rareté des fûts et leur coût élevé. Côté organoleptique, ce chêne est connu pour libérer des notes de santal, d’encens, de coco et d’épices (cardamome, clou), des marqueurs souvent cités sur les grandes cuvées japonaises. À l’opposé, le chêne américain toasté par infrarouge rehausse vanille, sucre brun et crème pâtissière. La combinaison des deux bois apporte une architecture aromatique lisible : épices sèches et bois noble du Mizunara en tête, arrondi vanillé et gras lactonique en soutien.

La dégustation annoncée : précision et longueur

Le descriptif officiel insiste sur un nez de gingembre frais, poire glacée et santal, avec une pointe de cardamome. En bouche, la trame se construit sur cassonade, gingembre confit et un registre umami discret, porté par une vanille ample. La finale est longue, avec cacao amer-doux, bois toasté et retour de santal, plus un trait de bonbon à la cannelle. Le haut degré (env. 58,5 % vol.) appelle un ajout d’eau au service : par palier de 2–3 ml d’eau par 30 ml de spiritueux, afin d’ouvrir les épices sans écraser la vanille. Température de service conseillée : 18–20 °C. Verre tulipe ou Glencairn pour canaliser les esters et le santal.

L’innovation « asiatique » dans le whisky américain

L’attrait des fûts japonais dépasse le simple effet de mode. Les producteurs américains cherchent des signatures bois différenciantes face à l’explosion des finitions en chênes alternatifs (Amburana, acacia, chêne français). Le Mizunara reste rare : approvisionnement long, coût élevé, coopérage délicat. Mais son profil « temple wood » – encens, coco, santal – apporte des couches aromatiques difficiles à reproduire. Des maisons japonaises historiques ont montré le potentiel du Mizunara sur des maturations longues. Le mouvement actuel côté US consiste à finir ou co-affiner des bourbons/ryes sélectionnés pour gagner une dimension épicée et boisée sans perdre la douceur de maïs. Kodama s’inscrit dans cette dynamique, avec l’originalité d’un double apport (Mizunara + infrarouge américain) pensé dès la mise en blend.

Le cadre technique : blend, toast infrarouge et gestion du degré

Le cœur du projet Kodama tient en trois piliers techniques :

  1. Sélection/assemblage : deux lots provenant d’une base de Triple Mash Bourbon, assemblés « à la dégustation » et non sur formule fixe, afin d’ajuster l’équilibre santal/vanille à chaque cuvée.
  2. Toast par infrarouge : l’énergie radiante permet un toast précis des couches internes de la douelle, favorisant la formation de vanilline et de lactones sans carbonisation excessive. Résultat : douceur vanillée nette, moins de notes fumées.
  3. Mise au degré de fût : 117 proof conserve la viscosité et les congénères aromatiques issus des fûts. À ce niveau, la dilution maîtrisée au verre devient un outil de service, surtout si l’on recherche plus de santal que de chaleur épicée.

Le positionnement prix et la disponibilité

Affichée 89,99 $ en boutique de marque, l’édition vise la tranche « premium accessible ». À titre de comparaison, nombre de finitions exotiques dépassent rapidement les 100–150 $ en retail, notamment quand le bois est importé et le lot restreint. Ici, la distribution initiale se concentre sur Whiskey Row (Louisville) avec un effet « découverte en boutique » : dégustations, conseils, éventuellement « single-barrel » et embouteillages sur place selon le programme du site. Pour l’Europe, l’enseigne a commencé à ouvrir des débouchés ; la bascule de Kodama hors des États-Unis dépendra des volumes de fûts disponibles et de la réception du public.

Les usages et accords : comment le servir

Kodama vise un registre boisé-épicé. En dégustation pure, viser des verres de 20–25 ml, ajout d’eau par touches, et repos de 5 minutes dans le verre. En cocktail, il peut signer un Old Fashioned à l’amer orange (2 traits), sucre Demerara (5 ml sirop 2:1), zeste d’orange, dilution brève ; ou un Boulevardier (30 ml bourbon, 20 ml Campari, 25 ml vermouth rouge), qui exploite la cannelle/cacao de la finale. Côté accords, viser chocolat noir 70 %, noix de pécan torréfiées, fromages à pâte dure peu salés ; éviter les mets fumés qui gommeraient la nuance de santal.

La lecture marché : pourquoi cet assemblage compte

Le whisky américain est entré dans une phase d’hyper-différenciation. Les recettes classiques cohabitent avec des finitions audacieuses. Le Mizunara agit ici comme un marqueur de premiumisation, mais Kodama montre qu’il peut aussi rester abordable sans compromis organoleptique. L’idée forte n’est pas la surenchère de bois, mais la complémentarité : le Mizunara pose le squelette épicé/sec, le chêne américain toasté par infrarouge apporte le gras vanillé. Ce « sandwich aromatique » parle autant aux amateurs de bourbon doux-vanillé qu’aux curieux d’épices japonaises.

Les limites et points de vigilance

La variabilité des fûts de Mizunara est réelle : porosité, cinétique d’extraction, hétérogénéité des lots. L’assemblage « à la dégustation » répond à ce risque, mais implique des différences millésime après millésime. Le haut degré impose aussi un service averti : sans dilution, la cannelle peut dominer, masquant la poire/vanille. Enfin, la disponibilité restreinte et la vente majoritairement « on-site » créent un effet rareté qui peut frustrer hors Kentucky. Néanmoins, le prix contenu limite la spéculation et encourage la dégustation plutôt que la collection dormante.

Les données pratiques

Degré : 117 proof (env. 58,5 % vol.).
Bois : Mizunara japonais + chêne américain toast infrarouge.
Profil annoncé : gingembre, poire, santal, cassonade, vanille, cacao, cannelle.
Format : 750 ml.
Prix indicatif : 89,99 $ (premier lot).
Points de vente : boutique Pursuit Spirits Whiskey Row, 722 W. Main St, Suite 100, Louisville (KY).
Site de production/expérience : 1700 Mellwood Ave, Louisville (KY).

Une note sur le Mizunara dans le paysage global

Le bois japonais occupe aujourd’hui une place singulière : rare, cher, techniquement contraignant, mais recherché pour ses marqueurs d’encens et de coco. Au Japon, des cuvées intégralement élevées en Mizunara atteignent des tarifs à plusieurs milliers de dollars. Aux États-Unis, l’usage se concentre plutôt en finition ou en co-affinage, pour imprimer la signature aromatique sans immobiliser des décennies de stock. Kodama illustre cette voie, à un prix qui reste maîtrisé, avec une exécution technique qui parle aux palais modernes.

United Kodama Mizunara réussit un équilibre bois-profil rare dans sa tranche de prix. L’association Mizunara/toast infrarouge offre une lecture claire : épices nobles et santal, puis vanille crémeuse et cacao. Le degré élevé soutient la texture et permet un service modulable à l’eau. S’il confirme sur plusieurs mises, ce format pourrait devenir un repère de l’innovation « asiatique » au sein du bourbon : bois rare, procédé précis, prix rationnel. Reste à voir comment la maison déclinera l’idée : variation d’âges, autres toasts, ou même un futur single cask pour pousser encore la signature de ce chêne difficile mais singulier.

Cours d’oenologie est un magazine indépendant.

Un bourbon américain à l’heure du chêne Mizunara