Le chablis, le vin blanc le plus réputé et le plus imité du monde, possède une longue histoire. ll lui a fallu franchir bien des obstacles avant de retrouver sa réputation d’antan. Au début du Moyen Age, les Cisterciens introduisirent la culture de la vigne à Chablis et dans les environs. En 1128, ils fondèrent le domaine du Petit-Pontigny, dont les chais pouvaient loger 2 000 hectolitres de vin, aujourd’hui siège d’une coopérative vinicole. La proximité de Paris, que l’on rejoignait par voie fluviale en remontant l’Yonne puis la Seine, permit au vin de Chablis de prendre rapidement son essor commercial. Au début du XVI siècle, près de 1 000 ha de vignes étaient cultivés à Chablis. Cent ans plus tard, les Anglais commencèrent à s’intéresser au vin blanc sec et, en 1770, le premier bourgogne blanc vendu aux enchères chez Christie’s fut un lot de chablis.

C’est au XIX siècle que ce vin a acquis sa réputation actuelle. ll n’était pas seulement exporté vers les pays du nord de l’Europe, mais aussi vers la Russie et les Etats-Unis. A l’époque, 70 communes produisaient du chablis. La région d’exploitation s’étendit ensuite au-delà de l’Yonne et atteignit 43 000 ha cultivés. Mais l’épidémie de phylloxéra de 1893 mit un terme à cette expansion.Les guerres, les crises économiques et l’exode rural achevèrent de ruiner la viticulture de la région. En 1945, il ne subsistait que 500 ha en exploitation.

La reprise fut difficile. Les pieds de vigne étaient souvent touchés par les gelées d’avril ou de mai et des récoltes entières étaient perdues. Vers la fin des années 1950, on prit des mesures de protection. On installa entre les rangs de vigne des chaufferettes,brûleurs autrefois alimentés à l’huile et aujourd’hui au pétrole. La méthode de l’aspersion, plus écologique, fut employée plus tard: elle consiste à arroser la vigne d’eau dès que le thermomètre descend à 0 °C. Cette fine pluie artificielle gèle alors et forme autour des bourgeons une couche de glace qui les protège contre un gel plus important. Plus les méthodes modernes de protection et de travail s’améliorèrent, plus les habitants de la région s’intéressèrent à la viticulture. Les 750 ha encépagés en 1970 doublèrent dans la décennie suivante. Dans les années 1980 et au cours des années 1990, la vigne n’a cessé de s’étendre pour atteindre 4000 ha en 1998.

En 1938, 20 communes de Chablis reçurent l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) : elles devaient posséder un sol kimméridgien contenant des coquilles fossilisées. Ce nom provient d’un village du sud de l’Angleterre, Kimmeridge, où fut découvert ce type de formation géologique. En 1943, l’appellation petit Chablis fut attribuée à des sites dotés d’un autre type de sol. Les progrès technologiques contribuèrent pour beaucoup au développement du Chablis d’aujourd’hui. On remplaça les anciennes cuves de fermentation par des cuves en inox bien plus hygiéniques. Le contrôle des températures et l’élimination des problèmes d’oxydation ont permis d’élaborer des vins de qualité et d’en rehausser la fraîcheur, le fruité et la limpidité. C’est ainsi que le chablis a acquis sa réputation mondiale de vin parfait pour être dégusté à l’apéritif ou accompagner fruits de mer, crustacés, quenelles et plats de poisson. Chablis, comme dans la Côte de Beaune, certains vins sont vinifiés dans de petits fûts de chêne, les pièces. Ce sont notamment les premiers crus ou les climats de grand cru, qui ont besoin d’un plus long élevage pour développer leurs arômes complexes.

Chablis n’a qu’un grand cru, divisé en sept climats dont le nom peut figurer sur l’étiquette. Cette zone s’étend de la rive droite du Serein à la colline faisant face à la petite ville de Chablis. Exposée au sud-sud-ouest, elle bénéficie d’un maximum d’ensoleillement, assurant ainsi au raisin du cépage chardonnay une meilleure maturité et davantage de sucres que dans les autres vignobles de la région. Les minuscules coquilles d’huîtres du sol Kimméridgien confèrent au vin sa note caractéristique. Dans sa jeunesse, un chablis grand cru est plutôt fermé. ll lui faut plusieurs années de vieillissement en bouteille pour révéler sa générosité et son caractère. Avec l’âge, vient s’ajouter à sa note de miel une vaste palette (diarômes qui, selon le millésime, s’oriente vers le champignon, le sous-bois, le pain grillé, les fruits secs et la cire. Il conserve ainsi très longtemps son accent minéral. Les grands crus de chablis sont des vins qu’il faut réserver à des occasions particulières, pour accompagner des plats fins qui développent l’intensité et la puissance du vin.