Sans le chanoine Félix Kir, nous n’aurions jamais connu la crème de cassis. Ce prêtre, né en 1878, est célèbre pour son opposition au nazisme et pour avoir aidé des milliers de résistants à fuir. plus de 60 ans, il fut élu maire de la ville de Dijon. En cette époque d’après-guerre, les fabricants locaux de liqueur luttaient pour survivre et le maire décida d’offrir à tous les visiteurs de la capitale bourguignonne un blanc-cassis ¢ du vin blanc sec additionné de crème de cassis.

Les cafés ayant été désertés pendant les quatre années d’occupation allemande, tout simplement parce qu’il était dangereux de se réunir, même pour des causeries anodines au comptoir, bien des apéritifs étaient tombés dans l’oubli, dont le blanc-cassis. Pour honorer le chanoine Kir qui réussit à la faire revivre, cette boisson fut baptisée de son nom.

Deux marchands avaient introduit le blanc-cassis à Dijon. lls y avaient pris goût à Neuilly et en 1841, commencèrent sa production dans leur ville natale. Mais ils se heurtaient à un problème : presque personne ne cultivait le cassis. Devant le succès de la liqueur de cassis, la situation s’inversa et 80 maisons de liqueur furent fondées jusqu’en 1914 , la demande de cassis était telle que les épouses des vignerons se mirent à cultiver ces arbustes en bordure des vignes pour arrondir leurs fins de mois.

La Bourgogne, tout comme certaines régions des vallées de la Loire et du Rhône, cultive toujours le cassis, mais de façon beaucoup plus organisée. En hiver, il faut ã cet arbuste dix semaines de gelée pour se couvrir de nombreux boutons. Les baies mûres ne conservent qu’une journée leur parfum optimal et la récolte doit donc être très rapide et mécanisée. Leur haute teneur en vitamine C ne facilite pas la tâche car elles s’oxydent très vite. La méthode la plus moderne pour conserver leur parfum et leur couleur violette presque noire est de les congeler à -30 °C 1 on peut ainsi les travailler en fonction des besoins. Réchauffées à une tempéra ture de +5 °C, les baies sont aspergées d’alcool, qui sert de solvant pour la couleur et le parfum et les empêche de fermenter. Les baies macèrent ensuite cinq semaines dans des cuves rotatives remplies d’une solution d’alcool et d’eau, ou jusqu’à trois mois lorsque la fabrication est artisanale, dans l’esprit-de-vin pur. Un soutire alors le premier jus, qui est de meilleure qualité, on presse les fruits et on ajoute du sucre. La liqueur de fruits appelée « crème ›› résulte d’une simple macération. Pour que la teneur en acide des baies ait un effet harmonieux sur la liqueur, il faut l’équilibrer avec le sucre et l’alcool. 20 % vol., la liqueur a absorbé le maximum de fruits et parvient presque à saturation avec 5 20 g de sucre. La teneur en alcool est donc une indication de qualité car une crème à 16 % vol. contient moitié moins de fruits et seulement 60 g de sucre en moins.

Autrefois, sur les tables des cafés, on mettait de la crème de cassis gratuitement à disposition des clients. Et aucun Français ne songerait à la boire pure. Elle parfume le vin, le champagne, le vermouth et l’eau minérale. Elle fait merveille dans les gâteaux, les crèmes et les glaces , elle aromatise les plats de canard ou de gibier. Une fois ouverte, la bouteille se conserve au réfrigérateur et se consomme dans les trois mois.