La différence entre tequila et mezcal : deux esprits d’agave distincts
Tequila versus mezcal : origines, variétés d’agave, zones géographiques et méthodes de production expliquées avec clarté.
La tequila et le mezcal sont deux spiritueux mexicains élaborés à partir de plantes d’agave, pourtant leurs cadres légaux, leurs cépages, leurs méthodes de production et leurs profils aromatiques diffèrent sensiblement. La tequila est produite exclusivement avec l’Agave tequilana Weber « bleue » dans des zones strictement définies (principalement l’État de Jalisco et certains comtés adjacents). Elle est souvent plus standardisée, avec une distillation plus « propre ». Le mezcal, en revanche, peut être réalisé à partir d’une trentaine de variétés d’agave, dans neuf états mexicains, et utilise fréquemment une cuisson en fosse, ce qui confère une note fumée caractéristique. L’une est plus « spécifique », l’autre plus « diverse ». Ce sont deux catégories clés du marché des agave-spirits, mais leur identité reste bien distincte.
L’origine légale de la tequila
La tequila dispose d’une origine protégée : elle peut être produite uniquement dans l’État de Jalisco et certaines municipalités de Guanajuato, Michoacán, Nayarit et Tamaulipas. Cette restriction géographique impose que la production relève d’une dénomination d’origine. L’agave utilisée doit être l’Agave tequilana Weber bleu et, pour être qualifiée de « tequila », la boisson doit respecter les normes mexicaines (NOM) et contenir généralement entre 35 % et 55 % d’alcool en volume. Sur le plan historique, la tequila tire son nom de la ville de Tequila, et l’acte de production a été formalisé dans les années 1970. L’agave bleu y pousse entre 8 et 12 ans avant d’atteindre la maturité. La réglementation veille à ce que la distillation, la fermentation et l’élevage respectent des standards précis. Le cadre très normalisé explique pourquoi la tequila est souvent plus homogène d’un producteur à l’autre.
L’origine légale du mezcal
Le mezcal possède un cadre plus large. Il peut être produit à partir de plus de 30 espèces d’agave différentes (par exemple Espadín, Tobalá, Arroqueño) et dans plusieurs états mexicains, notamment Oaxaca (environ 85 % de la production), Durango, Guerrero, San Luis Potosí, Tamaulipas, Zacatecas et Puebla. À la différence de la tequila, la fusion du cadre légal avec la tradition artisanale demeure forte. La norme mexicaine NOM-070-SCFI-2016 définit les caractéristiques du mezcal de façon détaillée. Le terroir, le type d’agave, la cuisson, l’équipement de distillation peuvent varier largement, ce qui explique une grande diversité de styles. Le nom « mezcal » vient du nahuatl mexcalli, qui signifie « agave cuit ». Ce large spectre confère au mezcal une identité plurielle et souvent plus artisanale.
Les différences de variétés d’agave
L’un des points fondamentaux est la variété d’agave utilisée. Pour la tequila, seule l’Agave tequilana Weber bleu est autorisée. En revanche, pour le mezcal, de nombreuses variétés sont employées, chacune apportant une signature aromatique distincte. Par exemple, l’Espadín est la plus commune pour le mezcal, tandis que le Tobalá ou l’Arroqueño sont plus rares et apportent des notes florales ou épicées. Cette diversité se traduit par une palette aromatique plus large pour le mezcal. Le choix de l’agave, combiné à la durée de maturité (souvent entre 8 et 15 ans, voire jusqu’à 30 ans pour certaines variétés), influe sur la complexité du produit final. Cette différence est un des éléments clés du contraste entre tequila et mezcal.
Les différences de production et de cuisson
La méthode de production diffère également de manière importante. Pour la tequila, la cuisson des piñas (cœurs d’agave) se fait principalement à la vapeur dans des autoclaves ou des fours à briques, puis on presse, on fermente et on distille, généralement deux fois. Le mezcal, en revanche, utilise fréquemment une cuisson en fosse creusée dans la terre, chauffée par des pierres volcaniques et du bois, ce qui apporte une marque fumée nette dans de nombreux mezcals. La distillation du mezcal peut être réalisée en alambics de cuivre ou dans des installations artisanales appelées « palenques ». Ces différences techniques contribuent à la puissance aromatique plus rustique, fumée ou terreuse du mezcal. En conséquence, le profil sensoriel de la tequila est souvent plus « net » et « propre », tandis que celui du mezcal est plus « complexe », parfois « fumé » ou « rustique ».
Les zones géographiques et terroirs
La tequila est concentrée sur des zones spécifiques : principalement Jalisco, avec des sols volcaniques, des altitudes et des microclimats adaptés à l’agave bleu. Le mezcal s’étend sur une grande diversité de terroirs, de la côte d’Oaxaca aux montagnes de Durango ou San Luis Potosí, ce qui implique des sols et des climats différents, et donc des profils très variés. Cette dispersion géographique explique pourquoi deux mezcals peuvent être radicalement différents, alors que les tequilas ont une homogénéité plus grande. Le terroir joue ainsi un rôle plus visible dans le mezcal, tant par la variété d’agave que par le relief et les traditions locales.
Les catégories d’âge et styles
En termes de vieillissement, les deux spiritueux partagent des catégories similaires : « Blanco » (ou joven pour le mezcal) pour une consommation jeune, « Reposado » pour un vieillissement modéré, « Añejo » pour un vieillissement plus long. Pour la tequila, le reposado correspond à un élevage entre deux mois et un an, l’Añejo entre un et trois ans, et l’Extra Añejo au-delà de trois ans. Pour le mezcal, l’âge peut être plus variable, et certaines versions artisanales restent non vieillies (joven) afin de préserver les notes de terroir et de cuisson. Le vieillissement change le profil aromatique : bois, vanille et douceur pour la tequila vieillie ; fumée, herbes et terre pour certains mezcals.
Les profils aromatiques et perceptifs
Sensoriellement, la tequila, en particulier celle faite à 100 % agave, offre des arômes de citron, d’herbe, d’agave grillée légère, avec une finition propre et fluide. Le mezcal, quant à lui, affiche souvent une note fumée marquée, un caractère plus sauvage, des touches d’herbes, de feu de bois, de terre humide ou encore des variétés d’agave exotiques. Cette distinction aromatique est largement due à la méthode de cuisson et à la diversité des agaves. Encore faut-il noter que certains tequilas modernes premium peuvent présenter des notes fumées ou des élevages complexes qui rapprochent leurs profils du mezcal, rendant la différenciation moins automatique.
Les enjeux actuels de production
Le boom du mezcal suscite des défis écologiques : la demande accrue exerce une pression sur les agaves sauvages, la cuisson en fosses consomme beaucoup de bois, et la durabilité des ressources végétales est mise à l’épreuve. Pour la tequila, l’équilibre entre volume, qualité et respect de l’appellation reste un enjeu, surtout face à la compétition mondiale d’autres distillats d’agave. Le consommateur moderne préfère désormais comprendre la provenance, la variété d’agave et la méthode, plutôt que de se focaliser sur la seule marque. Cette tendance alimente la montée en gamme et le raffinement des deux catégories.
Dans cet univers, la tequila conserve une position forte comme spiritueux d’agave structuré, adapté aux cocktails comme à la dégustation, tandis que le mezcal occupe une place plus audacieuse et artisanale, destinée à ceux qui recherchent des profils distincts, ancrés dans une tradition locale. C’est donc un choix d’expérience : précision et clarté d’un côté ; diversité et complexité de l’autre.
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