Un Château Lafite Rothschild 1870 en magnum 1,5 L atteint 387 500 $ chez Zachys. Une vente à 11 M$ confirme la résilience du Bordeaux premium.

En résumé

La cave historique de Jacqueline de Rothschild a galvanisé le marché aux enchères à New York. La vente thématique organisée par Zachys a totalisé 11,16 M$ et a quadruplé son estimation, avec un taux de 100 % vendu et 162 records mondiaux. Vedette du jour, un Château Lafite Rothschild 1870 en magnum 1,5 L s’est adjugé 387 500 $, record pour ce millésime. Au-delà de l’icône de Pauillac, la dispersion a mis à l’honneur les Sauternes, avec des adjudications historiques pour Climens et Suduiraut. Les 177 lots de Lafite (498 bouteilles et grands formats) ont généré 6,49 M$, illustrant la prime accordée à la provenance directe et au stockage in situ à Pauillac depuis la mise. Dans un contexte de marché secondaire chahuté depuis 2023, l’appétit pour les vieux Bordeaux d’origine irréprochable reste vif. Cette session éclaire les préférences actuelles : formats rares, millésimes du XIXe siècle, et propriétés de premier rang.

La vente et ses chiffres clés

Le cadre et la dynamique d’enchères

Organisée à New York, la dispersion d’une cave mono-consignataire — acquise à la sortie des chais et conservée à Pauillac — a réuni des enchérisseurs de 17 pays. Le total de 11 160 375 dollars (USD) dépasse de plus de quatre fois l’estimation haute (2 760 000 USD). La session affiche 100 % vendu, signe d’un appétit soutenu pour les vins historiques de la rive gauche. En incluant la vacation multi-consignataires de la veille, le cumul atteint 17 163 925 USD, avec un taux de vente supérieur à 98 %.

Les lots emblématiques et les formats

Le pic revient au lot 2098, Château Lafite Rothschild 1870 en magnum 1,5 L, adjugé 387 500 $. D’autres sommets jalonnent la vacation : 1870 en bouteille (750 ml) au-delà de 175 000 $, 1869 en magnum au-dessus de 200 000 $, et 1878 en double-magnum (3 L) à plus de 300 000 $. Les 177 lots de Lafite totalisent 6,49 M$, confirmant la prime au format et à l’ancienneté, avec un effet taille particulièrement marqué sur les grands formats.

La prime à la provenance irréprochable

La valeur de l’origine et du stockage

La collection n’avait jamais été mise sur le marché. Les bouteilles, sorties à l’époque des propriétés, sont demeurées à Pauillac dans des conditions contrôlées avant leur transfert sécurisé. Cette provenance directe explique en partie la frénésie observée en salle et en ligne. Les premiers 35 lots ont d’ailleurs établi des records, révélant l’importance des garanties documentaires et de l’intégrité physique (niveau, capsule, étiquette) pour des flacons du XIXe siècle.

Les indicateurs de confiance

La multiplication des records — 162 records au total — montre que la valeur se concentre sur des actifs rares, lisibles et certifiables. À l’inverse des millésimes récents exposés aux cycles spéculatifs, ces références extrêmes se traitent comme des biens patrimoniaux : la prime s’exprime moins sur l’indice agrégé que dans l’enchère ciblée.

Les Sauternes au rendez-vous de l’histoire

Les houses en lumière : Climens, Suduiraut, La Tour Blanche, Rayne Vigneau

La session se clôt sur 11 records pour les Sauternes. Climens et Suduiraut mènent la danse, avec des envolées sur des millésimes rares et conservés idéalement. Dans un marché où les liquoreux sont parfois sous-valorisés, l’alignement « rareté + état + récit » réactive l’intérêt, d’autant que certaines références ont gagné en visibilité ces dernières années sur le secondaire.

Les données de marché en appui

Les indices récents montrent un contraste : si le marché global a cédé du terrain depuis 2023, certains segments tirent leur épingle du jeu. Des sous-indices spécialisés signalent une stabilisation, voire un léger mieux pour les liquoreux, quand les Bordeaux plus jeunes restent sous pression. La session Zachys illustre cette dichotomie : le prix se déplace vers la qualité perçue et la rareté prouvée.

Les enseignements pour le marché des vins rares

Les signaux envoyés par la vacation

Premièrement, la contrainte d’offre sur les millésimes du XIXe siècle crée un plancher de valorisation, surtout pour Pauillac. Deuxièmement, les formats rares (magnum 1,5 L, double-magnum 3 L) amplifient la prime en enchères, du fait d’une meilleure longévité et d’une attractivité événementielle. Troisièmement, les caves mono-propriétaires à traçabilité exemplaire constituent un gisement de valeur supérieure, particulièrement quand le storytelling est incontestable.

Les implications pour Bordeaux premium

Malgré la correction des grands indices depuis deux ans, l’appétit pour Bordeaux premium demeure sur les pièces iconiques. Les adjudications observées attestent d’une demande sélective, prête à dépasser les références historiques dès que l’état et l’origine sont irréprochables. À court terme, on peut anticiper une revalorisation des catalogues autour de lots « musée » et une hiérarchisation accrue entre millésimes à boire et pièces de collection.

La lecture stratégique pour les prochaines saisons

Les axes pour vendeurs et acheteurs

Côté vendeurs, la stratégie consiste à présenter des ensembles homogènes, documentés, en état irréprochable, et à valoriser les lots de collection par formats et verticales. Côté acheteurs, l’arbitrage se renforce entre opportunités sur millésimes mûrs « prêts à boire » et achats de trophées à très long terme. Les primes les plus fortes iront aux flacons cumulatifs : rareté, format, histoire familiale, stockage d’origine.

Les points d’attention

La liquidité restera inégale selon régions et styles. Mais les résultats de New York confortent la thèse d’un marché polarisé, où l’ultra-qualitatif, bien raconté et certifié, capte la majeure partie de la croissance de valeur. À surveiller dans les prochains catalogues : l’offre en grands formats pré-guerre, les collections directes de châteaux, et les séries thématiques qui structurent la demande internationale.

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Lafite 1870 à 387 500 $ : les enchères Rothschild font record