Définition, origine, fabrication, styles et usages du gin. Chiffres clés, cadres légaux, goûts, cocktails et dynamique du marché mondial en 2024-2025.

En résumé

Le gin est un spiritueux aromatisé au genièvre, titrant au minimum 37,5 % vol en Europe. Sa base neutre (blé, maïs, mélasse, etc.) est redistillée avec des botaniques ou aromatisée par macération. La distillation du gin façonne le style, du gin london dry (sec, sans ajout significatif de sucre) aux versions navy strength (≥57 % vol) ou vieillies en fût. Les profils vont du citronné au résineux, selon la composition du gin et les ingrédients du gin. L’essor du gin artisanal a multiplié les expressions nationales, du gin anglais au gin français et japonais. Le marché mondial a dépassé 100 millions de caisses de 9 L en 2024, avec une consommation portée par les cocktails au gin — le gin tonic en tête — mais un ralentissement au Royaume-Uni. Les producteurs innovent (botaniques locales, cask finishing) tout en respectant l’exigence centrale : un goût où le genièvre reste prédominant.

Le cadre légal et les définitions essentielles

Le socle réglementaire

L’Europe fixe trois grandes catégories : gin, gin distillé et London gin. Tous exigent un arôme prédominant de le genièvre (Juniperus communis) et une force minimale de 37,5 % vol. Le gin peut être obtenu par addition d’arômes sur alcool agricole neutre. Le gin distillé résulte d’une redistillation en présence des botaniques. Le London gin obéit aux règles les plus strictes : redistillation de matières végétales naturelles, distillat final sortant à haut titre (au moins 70 % vol au moment de la distillation), absence de colorant et sucrage limité (≤0,1 g/L si mention « dry »). Aux États-Unis, la norme exige au moins 40 % vol et un caractère dominé par le genièvre. Ces garde-fous assurent une cohérence sensorielle malgré la diversité des recettes.

Les styles en un coup d’œil

Le gin london dry vise un profil net, sec et précis. Les gins « distilled » permettent davantage d’expressivité botanique, parfois avec une touche sucrée discrète. Les « compound gins » (aromatisation sans redistillation) existent, mais visent surtout l’entrée de gamme. La mention le gin navy strength désigne une mise à ≥57 % vol, née de l’usage naval historique (le spirit devait enflammer la poudre). Enfin, le gin vieilli en fût délivre des notes boisées (vanille, épices), sans jamais masquer le genièvre.

L’histoire du gin et ses inflexions

Des apothicaires néerlandais à la « Gin Craze »

L’histoire du gin remonte aux eaux-de-vie au genièvre des Pays-Bas (jenever). Au XVIIe siècle, l’Angleterre adopte et diffuse le gin. Le XVIIIe siècle voit la « Gin Craze » londonienne, suivie d’un encadrement fiscal et technique. Au XIXe siècle, la colonne de distillation affine la pureté de l’alcool agricole ; le style « London Dry » s’impose alors comme standard de qualité.

La modernité : craft, terroir et gastronomie

Depuis 2008, la réouverture de petites distilleries au Royaume-Uni a déclenché une vague le gin artisanal à l’échelle mondiale. Les producteurs explorent les terroirs (algues, yuzu, baies locales) et des finitions en fûts ex-vin ou ex-xérès. La gastronomie a accompagné ce mouvement : accords avec agrumes, herbes fraîches, marins, poivrés. Résultat : un foisonnement de signatures, du gin anglais classique au gin français de terroir, jusqu’au gin japonais aux agrumes autochtones (yuzu, kabosu).

La fabrication du gin : du grain au verre

La base alcoolique

La fabrication du gin s’appuie sur un alcool neutre d’origine agricole titrant env. 96 % vol avant aromatisation. Les matières premières les plus fréquentes sont le blé tendre, le maïs, la betterave sucrière ou la mélasse. Le choix impacte peu le profil final si la distillation est poussée, mais influe sur la texture perçue et la rondeur après réduction.

La distillation et les méthodes d’aromatisation

La distillation du gin mobilise deux techniques principales. La macération-distillation : les botaniques infusent dans l’alcool avant redistillation en alambic (traditionnellement en cuivre). L’infusion en panier (« vapor infusion ») place les plantes dans le chemin des vapeurs, pour une extraction plus délicate. Beaucoup de maisons combinent les deux (distillats séparés assemblés). Les coupes restent déterminantes : une tête trop généreuse apporte dureté, une queue trop longue ajoute lourdeur. Après distillation, l’eau déminéralisée réduit progressivement le gin au degré visé (souvent 40-47 % vol ; 57 % vol pour le gin navy strength).

Les ingrédients clés

Au-delà du genièvre, la composition du gin associe coriandre (notes citronnées/épicées), racine d’angélique (liaison aromatique, sécheresse), écorces d’agrumes (citron, orange amère), cardamome, réglisse, cassia, poivre, orris, fenouil, lavande, romarin… La pyramide aromatique doit maintenir le genièvre dans le gin au premier plan. Les dosages sont faibles mais précis : quelques grammes par litre de charge distillation peuvent bouleverser l’équilibre.

Le goût du gin : lecture sensorielle et usages

Les familles aromatiques

Le goût du gin se lit en familles : résineux (genièvre/épicé), agrumes (citron, pamplemousse), floral (violette, lavande), herbacé (thym, basilic), épicé (poivre, cardamome). Un London Dry net présente un nez franc, des agrumes vifs et une bouche sèche, tendue, finale poivrée. Un gin « New Western » pousse des botaniques signatures (concombre, baies, algues). Un gin vieilli en fût ajoute vanille, coco, cannelle, avec une robe plus dorée.

Les cocktails au gin

Les cocktails au gin s’appuient sur l’équilibre alcool-acidité-amertume. Le gin tonic reste la porte d’entrée : 1 mesure de gin (50 mL) pour 2 à 3 mesures de tonic (100 à 150 mL), glace dure, agrume adapté. Le Martini sec, le Negroni, le Tom Collins ou le Gimlet illustrent la polyvalence du gin. Un gin premium résiste mieux à la dilution ; un navy strength supporte des dilutions plus longues sans perdre sa colonne vertébrale.

La production du gin et le marché mondial

Les volumes et les dynamiques régionales

Le marché mondial du gin a atteint environ 107 millions de caisses de 9 L en 2024, soit près de 963 millions de litres (9,63 mhl). Les hausses se concentrent en Asie-Pacifique, en Afrique et dans certaines parties de l’Amérique latine. Le Royaume-Uni, moteur du boom artisanal, traverse une normalisation de la demande après un pic autour de 96 millions de bouteilles en 2020 et un reflux vers 68 millions en 2023. À l’inverse, l’Espagne, les Philippines, l’Afrique du Sud et le Kenya affichent une base de consommateurs fidèle, portée par les long drinks.

Les segments de valeur

Le « standard » reste majoritaire en volume, mais la valeur se déplace vers le gin premium : recettes soignées, packaging qualitatif, transparence botanique, parfois single-shot (distillation en une passe sans redilution par des distillats aromatiques). Le haut de gamme progresse via les finitions en fûts (xérès, porto, chêne français) et les séries limitées. Le gin japonais capte une clientèle curieuse d’agrumes et de poivres autochtones ; le gin français s’appuie sur des circuits courts, plantes alpines ou maritimes, et un ancrage gastronomique.

La composition du gin et ses variantes contemporaines

Les versions aromatiques et les colorés

Les « sloe gins » (liqueurs au prunelle) et les gins colorés par macération post-distillation ne relèvent pas toujours de la catégorie « gin » au sens strict si le genièvre n’est plus dominant ou si le sucre dépasse les seuils de « dry ». Ils plaisent en apéritif (servis allongés), mais doivent être distingués des styles réglementaires pour éviter la confusion.

Les gins faibles en alcool et sans alcool

L’offre « low/no » progresse. Les versions « 0,0 » ne sont pas des gins au sens légal, mais des spiritueux sans alcool aromatisés aux botaniques. Leur usage reproduit la mixologie du gin (tonic, agrumes) avec une teneur en alcool inférieure à 0,5 % vol. Les distilleries traditionnelles y voient un relais de croissance et un moyen d’élargir la consommation du gin au moment apéritif, sans alcool.

La culture du gin : pays, styles et services

Le Royaume-Uni et les racines

Le gin anglais demeure une référence technique : London Dry précis, maîtrise des coupes, constance de profil. Les distilleries historiques défendent un style tendu, peu sucré, pensé pour le Martini et le G&T classique.

La France et l’artisanat

Le gin français met en avant fleurs de montagne, zestes d’agrumes corses, plantes littorales. Les micro-distilleries privilégient la transparence des recettes, des lots de 300 à 1 000 bouteilles, et parfois un élevage court en barriques ayant contenu du vin ou des eaux-de-vie. Positionnement : gastronomie, bars à cocktails, cavistes.

Le Japon et les agrumes autochtones

Le gin japonais travaille les agrumes (yuzu, amanatsu), le shiso, les thés verts. Les profils sont précis, mesurés en sucre, avec une finale nette. Cible : bars d’hôtel, mixologie minimaliste, accords salins.

Les repères pratiques pour choisir et servir

Lire une étiquette

Vérifiez la catégorie légale (gin, distilled, London gin), le titre alcoométrique (% vol), la mention « dry », la liste (partielle) des botaniques clés, et l’éventuel cask finish. Un gin premium détaille souvent ses matières premières et la méthode (vapor infusion, single-shot).

Servir au bon degré et avec justesse

Un London Dry à 41-44 % vol fonctionne avec un tonic peu sucré (8 g/100 mL) pour préserver l’amertume du quinquina. Un navy strength appelle plus de glace et un ratio plus généreux en allonge (1:3). Les agrumes ne doivent pas saturer le verre : un zeste fin suffit. Le service attentif protège l’expression du genièvre et la précision du distillat.

Une perspective pour 2025

Le segment se professionnalise. Les autorités affinent l’étiquetage (sucre, additifs), tandis que les distillateurs cherchent une signature lisible et reproductible. La concurrence s’intensifie dans le cœur de marché, mais l’innovation botanique, les éditions limitées raisonnées et la pédagogie des styles (London, distilled, barrel-aged) offrent des relais de valeur. Dernier enjeu : la durabilité — baisse d’eau de process, récupération d’énergie, sourcing local — qui redessine discrètement l’économie de la production du gin.

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