Champagne et jambon ? De prime abord, l’association peut paraître incongrue… Sauf qu’il ne s’agit pas de n’importe quel jambon, mais du jamón ibérico de bellota Joselito. El mejor jamón del mundo à en juger par l’engouement des plus grands chefs… À El Bulli par exemple, le restaurant de Ferràn Adrià, il y avait toujours à la carte plusieurs plats avec du Joselito. Bref, il s’agit d’un produit haut de gamme, comme le Dom Pérignon, et l’on ne peut s’empêcher de voir dans ce rapprochement une opération marketing. Mais objectivement ça fonctionne, et l’accord bellota-champagne est devenu très tendance sur les meilleures tables du monde et dans les cocktails branchés. À l’origine de ce mariage, José Gómez, sans doute l’un des meilleurs connaisseurs de champagne d’Espagne, ce dont témoigne sa formidable cave où se côtoient Dom Pérignon, Selosse, Gosset… La rencontre avec Dom Pérignon a été décisive : le chef de cave de la grande maison champenoise, Richard Geoffroy, a fait le voyage en Espagne et a été littéralement conquis par cette association. Il a procédé à un test vertical sur tous les millésimes de Dom Pérignon de 1959 à 1992 pour trouver les meilleurs accords avec le bellota – le must serait avec un Dom Pérignon 1986.

Une petite révolution culturelle, surtout en Espagne où, il y a dix ou quinze ans, le bellota était un produit de terroir encore abordable… Jusqu’à ce que les étrangers le découvrent et s’en entichent – particulièrement les Italiens, les Français, les Japonais et les Britanniques. Les prix ont alors grimpé avec les exportations. On le consommait d’ordinaire avec du vin rouge, mais aussi traditionnellement avec du manzanilla, un vin jaune pâle élevé sous voile, sec, peu acide, et donc mieux adapté que le rouge, qui a tendance à alourdir et à écraser les saveurs du jambon. Mais c’est le champagne qui exprime le mieux la quintessence du bellota, qui en exhale tous les arômes. Une alchimie complexe qui tient aux caractéristiques très particulières de ce jambon. Son goût est unique, dû à l’alimentation en glands (bellota) du cochon ibérique, et ce goût se concentre dans le gras. Or ce jambon est très gras, strié de veinures blanches. Il est tellement gras que lorsqu’il est bon, il doit coller à l’assiette : vous pouvez la retourner, les tranches ne tombent pas ! Seul le porc ibérique est capable de transformer les acides gras du gland en cette graisse si particulière, riche en acide oléique comme l’huile d’olive. Le jambon de bellota se coupe au couteau, en fines lamelles, et une partie du plaisir consiste à le déguster avec les doigts. Une gorgée de champagne apporte alors la fraîcheur et l’acidité qui conviennent pour en exalter toutes les flaveurs et sublimer la sensation de gras… À consommer sans modération, car cette graisse possède la particularité unique de faire baisser le taux de cholestérol.

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