Le classement 2024 des plus grands vignobles révèle un vignoble mondial en repli, frappé par la baisse de la consommation et les aléas climatiques.

Le classement 2024 des plus grands vignobles confirme une tendance lourde : le vignoble mondial continue de se contracter. La surface plantée tombe à 7,1 millions d’hectares (7,1 Mha), soit une baisse de 0,6 % sur un an. L’Espagne reste en tête avec 930 000 hectares (-1,5 %), devant la France (783 000 ha, -0,7 %) et l’Italie (728 000 ha, +0,8 %), qui est l’un des rares grands pays en croissance. Derrière ce trio, la Chine maintient environ 753 000 ha, tandis que les États-Unis reculent à 385 000 ha. En Afrique du Sud et en Argentine, les surfaces chutent respectivement d’environ 1,5 % et 2,4 %, sur fond de sécheresses, d’arrachages subventionnés et de marges sous pression. En parallèle, la consommation mondiale de vin tombe à près de 214 millions d’hectolitres, au plus bas depuis le début des années 1960, avec une baisse de l’ordre de 3 % par rapport à 2023. Ces indicateurs traduisent une crise structurelle du vin : surproduction chronique, désaffection des jeunes consommateurs, montée des préoccupations de santé et impact du changement climatique sur les rendements et les choix de plantation.

Le classement 2024 des plus grands vignobles mondiaux

Le dernier classement 2024 confirme que la carte du vin reste dominée par quelques pays, mais l’ensemble rétrécit. Le vignoble mondial est estimé à 7,1 Mha, en recul de 0,6 % sur un an, et d’environ 9 % par rapport au début des années 2000.

En tête, l’Espagne s’impose comme Espagne premier vignoble mondial avec 930 000 hectares de vignes. Elle perd toutefois 14 500 hectares en un an, soit une baisse de 1,5 %, principalement dans les régions de production de volume, où les cours ne couvrent plus les coûts.

La France occupe la deuxième place avec 783 000 hectares, en recul de 0,7 %. Les arrachages sont concentrés dans les bassins structurellement excédentaires, comme une partie du Bordelais ou du Languedoc, où les pouvoirs publics ont soutenu des plans de réduction de surfaces.

L’Italie suit avec 728 000 hectares, mais à rebours de ses voisins : la surface italienne augmente de 0,8 % en 2024, portée par des appellations dynamiques et une demande export encore soutenue sur certaines catégories.

Au niveau mondial, la Chine demeure l’un des plus grands vignobles, avec environ 753 000 hectares, légèrement en baisse (-0,4 %), tandis que la Türkiye tourne autour de 402 000 hectares, également en recul.

La réalité d’un vignoble mondial en érosion continue

Le chiffre de 7,1 Mha masque une tendance de fond : les surfaces viticoles en recul depuis quatre années consécutives. Le rythme peut paraître modéré (-0,6 % en 2024, après -0,5 % en 2023), mais il s’inscrit dans une érosion lente et continue, dans un secteur longtemps habitué à croître.

Cette contraction touche à la fois les vignes destinées au vin, aux raisins de table et aux raisins secs. Les arrachages sont particulièrement marqués dans les zones de production de masse, où les prix de gros restent trop bas. Dans plusieurs pays, des dispositifs publics incitent directement à réduire les surfaces, avec des indemnités d’arrachage pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros par hectare.

Parallèlement, certaines régions maintiennent ou augmentent légèrement leurs surfaces, mais sur des créneaux ciblés : vins effervescents, indications géographiques fortes, ou marchés d’exportation encore dynamiques. Le mouvement n’est donc pas uniforme : il reflète un arbitrage entre segments rentables et zones en surcapacité chronique.

Les grands vignobles européens face au déclin malgré leur leadership

Les déclin des vignobles européens est au cœur du diagnostic. L’Union européenne concentre encore environ 3,2 Mha de vignes, soit près de 45 % du total mondial, mais perd environ 0,8 % de surface sur la seule année 2024.

L’Espagne, la France et l’Italie, qui structurent une large part de la production européenne, sont confrontées à trois contraintes simultanées :

  • Un excès d’offre dans certaines catégories, notamment les rouges d’entrée de gamme.
  • Des coûts de production en hausse, liés à la main-d’œuvre, à l’énergie et à la phytoprotection.
  • Des épisodes climatiques extrêmes récurrents (sécheresses, canicules, grêle, maladies cryptogamiques).

Les arrachages ne sont plus seulement défensifs. Ils deviennent un outil de gestion structurelle de la crise, assumé par les États et les interprofessions. Dans le Bordelais, environ 6 000 hectares ont été retirés du vignoble en 2024 dans le cadre de plans de restructuration associés à une aide par hectare arraché.

L’Italie fait figure d’exception relative. Elle parvient à gagner des surfaces, notamment dans certaines appellations à fort potentiel export, tout en restant très exposée aux aléas climatiques. Le choix italien consiste moins à étendre le vignoble qu’à le reconfigurer vers des segments plus rémunérateurs (Prosecco, appellations haut de gamme).

Les vignobles du Nouveau Monde pris en étau entre climat et économie

Les vignobles du Nouveau Monde n’échappent ni au climat ni à la pression économique. Aux États-Unis, sixième vignoble mondial, la surface est estimée à 385 000 hectares en 2024, en baisse de 0,7 % par rapport à 2023. Il s’agit de la onzième année consécutive de recul depuis un pic à 453 000 hectares en 2013.

Ce mouvement traduit la combinaison de trois facteurs :

  • Des stocks encore élevés dans certains États, notamment en Californie.
  • Une demande intérieure qui se tasse, sous l’effet de la baisse durable de la demande chez les jeunes adultes.
  • Des aléas climatiques qui renchérissent l’assurance, la gestion de l’eau et la lutte contre les maladies.

En Argentine, le vignoble recule à environ 200 000 hectares, soit une baisse d’environ 2,4 % sur un an. L’Argentine paye le prix de plusieurs millésimes marqués par des gels printaniers, la grêle et une instabilité économique chronique qui limite l’investissement.

L’Afrique du Sud voit son vignoble descendre vers 120 000 hectares, en baisse de 1,5 % en 2024, soit dix années consécutives de recul. Les sécheresses répétées, la concurrence d’autres cultures mieux rémunérées et les coûts logistiques export sous tension pèsent lourdement sur la rentabilité des exploitations.

Dans ce contexte, quelques pays font figure d’exception. Le Brésil, par exemple, augmente ses surfaces pour la quatrième année d’affilée, jusqu’à environ 83 000 hectares, tandis que l’Inde affiche une croissance annuelle proche de 4,5 % depuis 2019, atteignant 185 000 hectares. Ce sont toutefois des poches de croissance dans un paysage globalement contracté.

La consommation mondiale de vin au niveau le plus bas depuis 60 ans

Le repli des surfaces n’est pas seulement une réponse au climat. Il est aussi la conséquence directe de la consommation mondiale de vin en chute. En 2024, celle-ci est estimée autour de 214 millions d’hectolitres, en baisse d’environ 3,3 % par rapport à 2023 et au plus bas depuis 1961.

Cette baisse prolonge une tendance engagée depuis plusieurs années dans les grands pays consommateurs :

  • En France, la consommation par habitant a été divisée par plus de deux depuis les années 1970.
  • En Italie et en Espagne, la consommation recule également, au profit de la bière et des spiritueux.
  • Aux États-Unis, premier marché en volume, 2024 marque aussi un recul de la demande, particulièrement sur les segments d’entrée de gamme.

Plusieurs moteurs se combinent : recherche de modération, essor des boissons sans alcool ou à faible taux d’alcool, vieillissement des gros consommateurs historiques, contraintes budgétaires liées à l’inflation. Les vins tranquilles rouges, longtemps cœur du marché, sont les plus affectés, quand certains segments – vins effervescents, rosés, vins premium – résistent mieux.

Les signes d’une crise structurelle du vin plus qu’un simple accident

Les indicateurs 2024 plaident pour l’idée d’une véritable crise structurelle du vin. La baisse des surfaces, des volumes produits et de la consommation ne tient pas seulement à une mauvaise récolte ou à une conjoncture ponctuelle. Elle traduit un rééquilibrage profond entre l’offre et une demande durablement moins dynamique.

Trois tendances lourdes se dessinent :

  • Une réduction progressive du “lac de vin” mondial, après des décennies de surproduction.
  • Une polarisation du marché entre volume à faible valeur ajoutée et segments premium ou très identitaires.
  • Une montée en puissance des contraintes climatiques, qui impose des choix de cépages, de terroirs et de modèles économiques plus sélectifs.

Paradoxalement, cette crise peut aussi être vue comme une phase de stabilisation. La contraction des surfaces dans les zones les moins rentables peut, à terme, soutenir les prix et rééquilibrer le rapport entre coûts de production et prix de vente. Mais cette transition s’annonce douloureuse pour les exploitations les plus fragiles, qu’elles soient en Europe ou dans le Nouveau Monde.

Les enjeux stratégiques pour les grands vignobles à l’horizon 2030

Face à ce classement 2024 des plus grands vignobles et à la dynamique de recul généralisé, les États, les interprofessions et les producteurs n’ont plus le luxe de l’attentisme. Plusieurs options s’imposent déjà dans les stratégies :

  • Recentrer le vignoble mondial sur les terroirs les plus résilients et les segments de marché les plus porteurs.
  • Investir dans l’adaptation au changement climatique : irrigation raisonnée, cépages plus résistants, pratiques agroécologiques.
  • Accompagner la baisse de volume par une montée en valeur, via la premiumisation, l’œnotourisme ou les démarches qualité.
  • Mieux comprendre la baisse durable de la demande, en particulier chez les jeunes, pour adapter les styles de vin, les formats et la communication.

Le millésime 2024 restera probablement comme une année de bascule : celle où le recul des surfaces, la chute de la consommation et la pression climatique se sont conjugués pour installer le secteur dans une nouvelle réalité. Les prochaines années diront si cette contraction aura été un repli subi ou le point de départ d’un modèle viticole plus sobre, mais mieux ajusté à la demande mondiale.

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