Le domaine de Chevalier n’est certes pas le plus connu du bordelais, mais il est particulièrement apprécié par les amateurs de vins rouges légers et raffinés. Son vignoble est en effet en bordure de forêt de pin des Landes. De fait, c’est l’un des vignobles les plus occidentaux, et donc les plus frais, de la région de Bordeaux. Ces conditions sont évidemment favorables pour le vin blanc de la propriété mais les raisins rouges, qui en constituent la plus grande partie, peuvent avoir du mal à mûrir. Ils finissent cependant habituellement par arriver à maturité, encouragés par les soins diligents d’Olivier Bernard. Mais cette fraîcheur relative de Chevalier a des conséquences intéressantes. Elle signifie que le domaine ne produit pas de vins rouges lourds. Les meilleurs exemples de Chevalier rouge sont en effet des miracles de finesse plutôt que de puissance. Leur délicatesse peut bien sûr les amener à être sous-estimés dans leur jeunesse, mais souvent, en vieillissant en bouteille, ils prennent densité et poids. Curieusement, pour la vinification, Bernard utilise la méthode bourguignonne du pigeage (enfoncement du chapeau du moût en fermentation) plutôt que le procédé plus bordelais du remontage. Le millésime 1995, très élégant, est particulièrement voluptueux, avec des arômes merveilleusement complexes de fumée de bois, de truffes, de tabac et de fruits rouges. Le fruité délicieux est équilibré par une acidité raffinée et bien que ce ne soit pas un vin charnu, il est retenu, complexe et magnifiquement charpenté. Il atteint sa parfaite splendeur au bout d’une douzaine d‘années et se maintiendra beaucoup plus longtemps, jusqu’en 2020 et même au-delà. Un vin à découvrir absolument, pour qui privilégie la finesse à l’intensité…