L’Italie reprend la tête mondiale en 2025 avec 47,5 Mhl. France ralentie et exportations en berne. Marché global en repli, essor du bio et de l’adaptation.

En résumé

L’Italie confirme son statut de premier producteur mondial en 2025 avec environ 47,5 Mhl (millions d’hectolitres), portée par des rendements réguliers de la Vénétie à la Sicilia malgré des étés torrides. La France, leader en 2023 (48 Mhl), aborde 2025 sur une base plus basse et voit ses exportations de vins et spiritueux se tasser après un -8 % estimé au premier semestre 2024 et un recul de valeur en 2024. Dans le même temps, la consommation mondiale de vin recule encore en 2023 (-2,6 %), confirmant un déclin structurel. Face au climat, les vignobles italiens accélèrent l’irrigation de précision, la gestion de canopée et des essais de filets d’ombrage ; en France, la viticulture biologique (22 %) des vignes en 2023 devient un axe stratégique, même si la part retombe à 21 % en 2024. L’enjeu 2025–2026 se déplace vers la valeur : segmentation, durabilité et innovations techniques pour gagner des parts sur un marché plus sélectif.

Le leadership italien réaffirmé en 2025

L’Italie repasse en tête en 2025 avec une production prévisionnelle d’environ 47,4–47,5 Mhl, selon le rapport conjoint Assoenologi–ISMEA–Unione Italiana Vini. Cet atterrissage, supérieur à la moyenne quinquennale, s’explique par une bonne tenue des surfaces en Vénétie (Glera), en Emilia-Romagna et en Sicilia, où la vigueur végétative a compensé des stress hydriques ponctuels. Le pays devance ainsi la France et l’Espagne, tout en confirmant sa capacité à sécuriser des volumes conséquents malgré des épisodes de chaleur.

La photographie des volumes

Les estimations d’avant-vendange situent l’Italie autour de 47,4 Mhl quand la France serait proche de 37,4 Mhl en 2025, sous sa moyenne quinquennale, après un millésime 2024 perturbé. Ce différentiel suggère un retour à la hiérarchie « traditionnelle » volume/valeur : Italie leader en quantités, France en prix moyens.

La comparaison avec la France : du pic 2023 au tassement 2025

En 2023, la France avait repris la première place mondiale avec 48 Mhl, portée par une météo plus clémente que chez ses voisins. Mais la séquence 2024–2025 a été marquée par des aléas (mildiou, chaleur, sécheresse locale), par des arrachages ciblés et par des anticipations de récolte plus modestes. Cet effet de ciseau replace l’Italie en tête pour 2025.

Les exportations françaises sous pression

Côté commerce extérieur, la filière française a vu ses flux se tendre. Les indicateurs intermédiaires font état d’un -8 % en valeur au premier semestre 2024, avant une année 2024 terminée à -4 % sur l’ensemble des vins et spiritueux, avec des volumes quasi stables et un recul de la valeur du vin d’environ -3 % (pression sur le Champagne). La géographie des débouchés s’est déplacée : reprise aux États-Unis, faiblesse persistante en Chine et en Asie du Sud-Est.

La dynamique mondiale : un marché en déclin structurel

L’OIV mesure en 2023 une consommation mondiale à 221 Mhl, en baisse de -2,6 %, proche des plus bas depuis 1996. La production 2023, à 237 Mhl (-10 %), a aussi touché un plancher historique. Cette conjoncture combine inflation, recomposition des préférences (bière, no/low), et fragilité du marché chinois. Pour 2025, la progression italienne se heurte donc à une demande globalement atone : la bataille se joue sur la différenciation, la distribution et le prix juste.

L’adaptation climatique des vignobles italiens

La résilience italienne repose sur une boîte à outils agronomique en rapide diffusion. En Sicilia (Menfi, Agrigento), des essais de filets d’ombrage (26 à 40 %) montrent une amélioration de la maturité phénolique sur Grillo et Syrah et une réduction des blocages de maturité lors des pics de chaleur. Dans le Nord, les itinéraires techniques testent la gestion de canopée (effeuillage tardif, hauteur de feuillage accrue) pour préserver l’acidité, appuyés par des capteurs hydriques et des conduites d’irrigation de précision lorsque les cahiers des charges le permettent. Les appellations de spumante, de Conegliano Valdobbiadene à Prosecco DOC, renforcent les démarches de durabilité (projets d’efficacité énergétique, pratiques de sol et d’irrigation raisonnée).

Les contraintes régionales

Le Sud a enchaîné sécheresse 2024 et déficit pluviométrique en 2025. La Sicilia a déclaré l’état d’urgence en 2024, d’où une accélération des dispositifs d’économie d’eau et de sélection clonale plus tolérante. Les îles, plus exposées au stress hydrique et aux vagues de chaleur, pilotent des vendanges plus précoces et des conduites plus aérées pour limiter les températures de baie.

Le poids des stocks et la question de la valeur

L’Italie aborde la récolte 2025 avec environ 39,8 Mhl de vins en stock fin juillet, auxquels s’ajouteraient 47,4 Mhl de la campagne 2025. Ce coussin met en perspective le risque de sur-offre sur certains segments (tranquilles d’entrée de gamme), mais il sécurise l’approvisionnement pour les bulles et les IGP exportatrices. La clé sera de diriger ces volumes vers les marchés encore dynamiques (États-Unis, Europe du Nord) avec des niveaux de prix compatibles, sans diluer l’image du made in Italy.

La montée du bio et de la durabilité en France

La viticulture biologique couvre 22 % des vignes françaises en 2023, un sommet européen en valeur absolue ; en 2024, la part se replie à 21 % sous l’effet des déconversions et de la baisse de la demande domestique en bio. Malgré ce trou d’air, le bio reste un atout de visibilité à l’export, notamment sur les marchés scandinaves et d’Europe du Nord. La tension entre coûts de production, attentes environnementales et pouvoir d’achat impose des gammes plus lisibles : certifications crédibles, étiquetage nutritionnel et sobriété emballage (verre allégé, BIB premium 3 l).

Un jeu concurrentiel affûté

L’Italie, très compétitive en coûts sur certaines régions (Puglia, Abruzzo), capte la demande prix/qualité avec des cépages compréhensibles et des styles accessibles. La France conserve des bastions de valeur (Champagne, Bourgogne, Provence), mais les arbitrages des acheteurs internationaux favorisent des bulles alternatives et des vins tranquilles à ticket moyen inférieur. D’où l’importance de la montée en gamme fondée sur l’origine et la précision viticole, plutôt que sur de simples hausses tarifaires.

Les leviers opérationnels côté producteurs et metteurs en marché

Premièrement, sécuriser l’approvisionnement de qualité face au climat : pilotage hydrique, choix de portes-greffes plus tolérants, protection thermique du raisin, et décisions de récolte au bon grain. Deuxièmement, aligner l’offre sur les segments porteurs : bulles et blancs vifs pour la restauration rapide de qualité, rouges fruités 12–13 % vol pour la consommation modérée, rosés secs bien définis. Troisièmement, travailler la distribution : contrats annuels en volume/valeur avec clauses de flexibilité, D2C et abonnements, marketplaces spécialisées, et mise en récit factuelle (traçabilité parcellaire, analyses, empreinte carbone en g CO₂/bouteille). Quatrièmement, investir l’éco-conception : palettes optimisées, allègement du verre, logistique décarbonée sur le dernier kilomètre.

Les scénarios 2026 : quantité italienne, valeur française, et la bataille des bulles

Si l’Italie stabilise ses volumes autour de 45–48 Mhl et maintient une qualité régulière, elle consolidera sa primauté quantitative. La France, après l’onde 2024–2025, a la possibilité de regagner du terrain par la valeur, au prix d’une gestion serrée des stocks, d’une segmentation claire et d’une reconquête export ciblée (États-Unis, Corée, Canada). Les bulles resteront un théâtre de concurrence directe entre Prosecco et Champagne ; l’avantage reviendra aux opérateurs capables d’absorber la volatilité prix et de livrer des profils constant-qualité à < 10 g/l de sucres pour l’export.

Le point d’équilibre à trouver

La couronne 2025 des volumes revient à l’Italie, mais l’arbitrage des marchés, plus attentifs au rapport qualité-prix, ne pardonnera pas les approximations. Dans un monde où la consommation recule et où le climat bouscule les repères, les deux géants européens gagneront en combinant précision agronomique, sobriété environnementale et contrats commerciaux robustes. La prochaine saison dira lesquels auront su convertir l’abondance italienne en valeur durable, et la technicité française en désir renouvelé.

Cours d’oenologie est un magazine indépendant.

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