Jeunes Français : le vin recule, bières et no-low en tête souvent
Selon RTL et l’OIV, les 18-35 ans privilégient bières, mocktails et vins sans alcool. Rouge en net repli, marché français en baisse de 4,3% en volume sur un an.
En résumé
La consommation de vin baisse chez les 18-35 ans, au profit de la bière, des mocktails et des boissons sans alcool. Les données de retail confirment un recul des volumes vendus en grandes surfaces d’environ -4,3 % sur un an, surtout pour le vin rouge, tandis que les boissons « no-low » progressent. À l’échelle mondiale, l’OIV 2023 (-2,6 %) observe une contraction de la consommation à 221 millions d’hectolitres (221 Mhl), sur fond de préoccupations de santé et de sobriété. En France, le chiffre d’affaires du vin atteint 23,9 Md€ en 2023 et pourrait croître d’environ +25 % d’ici 2028 si la filière adapte son offre (formats, taux d’alcool réduits, pédagogie, transparence, e-commerce). Les jeunes recherchent des produits plus légers, moins sucrés, mieux expliqués, et des expériences : bars à vins pédagogiques, accords sans alcool, offre événementielle. Cette tendance générationnelle impose une re-segmentation claire par usages, des innovations no-low crédibles et une communication factuelle axée sur le goût et la modération.
Un tournant générationnel observé chez les 18-35 ans
Les études récentes signalent un basculement des préférences des jeunes adultes. Ils sortent davantage en bars et restaurants pour des moments courts, et arbitrent vers des bières de spécialité, des mocktails ou des références « no-low ». Les 18-25 ans testent volontiers les cocktails sans alcool, les 26-35 ans privilégient la bière et les alternatives à faible degré. L’attrait s’explique par plusieurs facteurs : recherche de maîtrise de la consommation, envie de saveurs aromatiques et moins d’alcool, adéquation avec le sport et le bien-être, budgets contraints. Sur le rayon vins, cela se traduit par une baisse de fréquence d’achat, une préférence pour les blancs et rosés légers, et une exploration ponctuelle de vins effervescents en demi-bouteilles (375 ml) ou petits formats (250 ml).
Le poids des styles et des occasions
La baisse relative du rouge chez les jeunes tient à l’évolution des repas : moins de viandes rouges, davantage de bowls, légumes et cuisines épicées. Les blancs secs et effervescents s’accordent mieux avec ces usages. Les moments « afterwork » favorisent les bières et les cocktails ; les soirées « zéro alcool » popularisent les spritz sans alcool, les sirops premium et les thés glacés infusés. Le vin reste présent mais davantage pour des occasions ritualisées (apéritif maîtrisé, repas chez soi à deux, cadeaux), avec des attentes de lisibilité : cépage compréhensible, millésime lisible, niveau de sucres indiqué, alcool maîtrisé entre 10 et 12 % vol.
Une consommation de vin en repli structurel en France et dans le monde
À l’échelle mondiale, la consommation 2023 recule de -2,6 % à 221 Mhl (221 millions d’hectolitres), niveau historiquement faible. L’inflation, le renchérissement logistique et la normalisation post-Covid affectent les volumes. En France, la tendance de fond est baissière sur longue période, malgré une valeur qui résiste mieux qu’en volume. Le marché domestique a perdu environ -4,3 % en volume sur un an en grande distribution, avec un recul marqué des rouges et rosés. Cette contraction touche surtout les références d’entrée et milieu de gamme peu différenciées, quand les cuvées identitaires et les vins de terroir bien positionnés en prix tiennent mieux.
Le recul spécifique du vin rouge
Les données de filière montrent un net décroché du vin rouge. Sur cinq ans, des travaux citent une baisse de 38 % des volumes consommés en France, en partie liée à la désaffection des jeunes publics. Sur dix ans, la chute atteint autour de -30 % pour le rouge toutes générations confondues. Les causes sont cumulatives : moindre appétence pour les profils tanniques chez les primo-consommateurs, recomposition alimentaire, montée des recommandations de santé publique, concurrence des bières craft et des cocktails « signature ». En parallèle, le blanc progresse doucement et le rosé reste un refuge estival, mais sans compenser entièrement le recul du rouge.
Un marché français en tension mais porteur si l’offre s’adapte
Malgré le repli en volume, la valeur du marché atteint 23,9 Md€ en 2023. Les projections tablent sur une progression possible d’environ +25 % d’ici 2028, sous réserve d’adaptation : davantage de valeur ajoutée par bouteille, montée en gamme lisible, et innovations pertinentes. Côté distribution, la massification en grande surface montre ses limites auprès des 18-35 ans. Le rebond passe par un meilleur mix canaux : e-commerce direct producteur, cavistes pédagogues, CHR de quartier, bars à vins nouvelle génération, retailtainment en grands magasins. La lisibilité de l’étiquette (cépage, sucres, allergènes, calories pour 100 ml) devient un « must have » pour les jeunes, au même titre que la traçabilité environnementale (HVE, bio, agroécologie) expliquée simplement.
Le phénomène no-low et vins sans alcool
Les « no-low » (sans alcool ou à faible degré) gagnent des points. Le vin sans alcool attire une part croissante de consommateurs, très jeunes Français, avec une surreprésentation des moins de 35 ans. Les retours restent contrastés sur le goût, mais les progrès techniques (désalcoolisation sous vide, cônes rotatifs, membranes) améliorent les profils. Le potentiel se situe sur des cuvées aromatiques (muscat, riesling, gewurztraminer), des bulles sans alcool de qualité, et des cocktails à base de « verjus » ou de moûts partiellement fermentés. Les brasseries craft ont montré la voie : des recettes « 0,0 » à l’équilibre organoleptique convaincant peuvent conquérir un public « sobrazéro » exigeant.
Des leviers concrets pour reconquérir les 18-35 ans
La filière peut agir sans renier son identité.
- Segmentation claire par usages : apéritif léger (blancs secs 10–11 % vol), repas « veggie » (rouges souples 11,5–12,5 % vol), barbecue (rouges fruités), brunch (pétillants bruts, rosés).
- Formats : 187 ml pour la dégustation, 375 ml pour le couple, 500 ml pour les soirées modérées, canettes vins pétillants aromatiques en 250 ml.
- Transparence : informations nutritionnelles et sucres (g/100 ml) lisibles ; QR code vers analyses, carte parcellaire, engagements environnementaux.
- Goût d’abord : travail sur l’amertume, l’astringence et l’équilibre acidité/alcool ; vinifications plus douces pour des rouges accessibles en prime jeunesse.
- Prix et valeur : pallier la « fatigue des prix » par des offres découverte à moins de 10 € tout en préservant les repères de terroir au-delà de 15–20 €.
- Éducation : masterclasses courtes (45 min), ateliers accords « sans-alcool », kits de dégustation à domicile (3 x 187 ml) et expériences œnotouristiques calibrées pour 2–3 heures.
- Communication : moins de grand récit, plus de preuves. Fiches factuelles, notes aromatiques compréhensibles, recommandations d’occasions, compatibilités culinaires.
Un agenda d’innovation pour transformer l’essai
Les domaines et maisons qui gagnent chez les 18-35 ans partagent trois traits : précision produit, clarté d’usage, distribution agile. Ils investissent dans :
- blancs secs à 11–12 % vol, propres et nets ;
- rouges à extraction douce, fruités, servis légèrement frais (12–14 °C) ;
- pétillants bruts en 187/375 ml ;
- no-low crédibles (0,0–0,5 % vol) avec travail sur la texture ;
- offres hybrides : verjus mixology, moûts aromatisés, spritz sans alcool au jus de raisin ;
- D2C et abonnements trimestriels (3 à 6 bouteilles), avec contenus pédagogiques courts ;
- logistique légère (cartons 3/6) et emballages responsables (verre allégé, bag-in-box premium 3 l pour les usages conviviaux).
Ce que dit la trajectoire 2025–2028
Si la filière met en place ces ajustements, l’objectif de croissance de +25 % d’ici 2028 devient atteignable par la valeur et non par les volumes. Les signaux à surveiller : part des ventes no-low, poids des formats < 500 ml, taux de réachat des 18-35 ans sur 6 mois, premiumisation contrôlée (prix moyen par bouteille), empreinte carbone du packaging (g CO₂/bouteille). La clé sera d’installer des rituels nouveaux sans perdre le cap terroir : rendre le vin à nouveau pertinent dans les moments de vie d’une génération qui arbitre entre plaisir et modération. Le défi n’est pas de convaincre tout le monde de boire du vin, mais de proposer des expériences de goût honnêtes, transparentes et adaptées aux usages d’aujourd’hui.
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