Le vin sans alcool accélère. Chiffres de croissance, qualité, procédés de dealcoolisation, circuits de distribution et rôle de Vinexposium avec sa plateforme Be No.

En résumé

Le vin sans alcool n’est plus une curiosité. La catégorie No-Low progresse désormais à un rythme structurel, tirée par la modération, la santé et l’innovation technique. Les données internationales annoncent une croissance +7 % en volume pour le « no » d’ici 2028, portée par les bulles sans alcool et l’essor des blancs et rosés désalcoolisés. Côté offre, la dealcoholisation s’appuie sur trois familles de procédés (vide, osmose inverse, spinning cone) qui limitent l’impact thermique et préservent les arômes. En Europe, l’étiquetage se durcit, avec l’étiquette numérique et des mentions « désalcoolisé » ou « partiellement désalcoolisé » selon le titrage. Dans ce contexte, Vinexposium déploie Be No, un espace B2B dédié aux acteurs du No-Low pour connecter producteurs, acheteurs et distributeurs. Entre opportunités et contraintes de coût, la marge se construit sur la qualité sensorielle, la maîtrise des sucres et l’exécution en grande distribution et CHR.

Le momentum mondial et ses moteurs

Le basculement de la demande

La tendance « mindful drinking » se diffuse dans les bassins de consommation matures. Dans les dix marchés clés suivis par les analystes, la catégorie No-Low est attendue en hausse régulière, avec un leadership du « no » sur le « low ». Les cohortes urbaines de 25 à 45 ans, sensibles à la nutrition et au bien-être, arbitrent leurs achats sans renoncer à l’expérience vin. Les pics saisonniers (janvier, printemps) déclenchent des à-coups, mais le socle se renforce tout au long de l’année.

Les ordres de grandeur

À l’échelle boissons, le no/low progresse plus vite que les équivalents titrés. Pour le vin, les segments sans alcool restent encore modestes en volume, mais avancent sur une base saine. Les bulles sans alcool pèsent environ 70 % des volumes no/low « vin », tandis que les tranquilles à faible titre affichent des croissances à deux chiffres sur cinq ans. Cette dynamique contraste avec la stagnation des vins rouges d’entrée de gamme dans plusieurs pays européens.

Le procédé au cœur du produit

La chaîne technique de la dealcoolisation

La dealcoholisation repose sur trois voies principales, toujours après une vinification classique.

  1. Distillation sous vide (30 à 35 °C) : l’abaissement du point d’ébullition permet d’extraire l’éthanol avec une moindre dégradation des arômes.
  2. Osmose inverse (membranes) : séparation eau/alcool des composés aromatiques sous pression, puis recombinaison maîtrisée.
  3. Spinning cone (colonnes à cônes rotatifs) : films minces, contact vapeur/liquide optimisé, récupération d’arômes en amont, retrait d’alcool en aval, restitution finale.

Dans tous les cas, la stratégie gagnante consiste à capter les volatils avant l’extraction de l’éthanol, puis à les réincorporer de manière contrôlée. La maîtrise des coupes, la gestion de l’oxygène dissous et la filtration finale dictent la qualité sensorielle.

L’architecture gustative

Un vin désalcoolisé perd en corps et en chaleur. Il faut donc travailler l’attaque par l’acidité tartrique, la ligne aromatique par les terpènes et norisoprénoïdes, et la texture par le CO₂ dissous (bulles fines) ou une micro-oxygénation très mesurée. Les styles gagnants en 2025 : blancs aromatiques (Muscat, Sauvignon), rosés pâles à fruit net, effervescents dosage bas. Les rouges exigent un travail plus poussé (polysaccharides, tanins ellagiques, élevages brefs) pour compenser l’absence d’éthanol porteur d’arômes.

Le cadre réglementaire qui structure l’offre

Les définitions en Europe

Le terme « désalcoolisé » s’applique aux vins à ≤0,5 % vol ; « partiellement désalcoolisé » pour ceux >0,5 % vol et en-dessous du minimum de la catégorie avant traitement. Ces mentions protègent la clarté de l’offre et évitent l’ambiguïté avec des boissons aromatisées. Les vins désalcoolisés restent soumis aux règles générales de sécurité alimentaire et d’étiquetage.

L’information au consommateur

Depuis fin 2023, les vins mis en marché dans l’Union doivent afficher la déclaration énergétique et la liste des ingrédients, directement ou via étiquette numérique (QR code). Ce cadre s’applique aussi aux vins désalcoolisés. Il renforce la confiance, favorise la comparaison et aligne la catégorie No-Low sur les standards de transparence attendus par les acheteurs.

La plateforme Be No et l’organisation du marché

Le rôle de Vinexposium

Vinexposium a structuré une offre dédiée aux boissons sans alcool pour répondre à la demande des acheteurs. Be No regroupe, lors des grands rendez-vous internationaux, un espace de dégustation libre, des masterclasses techniques et un parcours exposants orienté solutions (vins désalcoolisés, RTD sans alcool, bases aromatiques). Objectif : fluidifier la mise en relation et clarifier l’offre par segments de prix, usages et technologies.

Un écosystème B2B en consolidation

Dans cet espace, producteurs et embouteilleurs présentent des lots prêts à la mise ou des bases à assembler localement. Les importateurs travaillent des assortiments courts (4 à 8 références), pilotés par données : rotation en GMS, taux de conversion e-commerce, marge nette après logistique. Les standards de dégustation évoluent : service entre 6 et 8 °C pour les blancs/rosés, 10 à 12 °C pour les bulles, 14 à 16 °C pour les rouges, afin de maximiser la précision aromatique et l’équilibre.

La distribution et les prix : où se joue la marge

Les circuits qui performent

Grande distribution : implantation en rayons dédiés « no/low », balisage simple (≤0,5 % vol / 0,5 à 6 % vol), étiquettes prix pédagogiques et cross-merchandising avec softs premium. E-commerce : fiches techniques détaillées, filtres par degré, retours clients, bundles découverte 3×75 cL. CHR : cartes de 2 à 4 vins sans alcool au verre, accords salins/citrons, formation rapide du personnel sur la différence entre désalcoolisé et jus aromatisé.

Les niveaux de prix

En Europe occidentale, les vins blancs/rosés sans alcool se positionnent en cœur de marché entre 6 et 12 € la bouteille de 75 cL, les effervescents entre 8 et 15 €, les cuvées premium (procédés doux, cépages identitaires, élevages ciblés) entre 15 et 25 €. La marge se construit sur le mix produit (bulles vs tranquilles), le contrôle des intrants (verre allégé, bouchage technique) et l’optimisation du transport (groupage, palettes pleines, circuits courts).

La qualité et la perception : comment gagner en crédibilité

Les points techniques décisifs

Matière première : récolte plus précoce (pH bas), clarification soignée, SO₂ maîtrisé. Vinification : températures basses, levures orientées thiols pour les blancs, travail sur les esters fruités. Procédé : faible température de traitement, restitution aromatique progressive, contrôle du CO₂. Finition : dosage précis du sucre résiduel (6 à 20 g/L selon style) pour soutenir la bouche sans lourdeur, stabilisation microbiologique rigoureuse.

Les mesures d’acceptation

Les tests consommateurs montrent une meilleure acceptation sur les effervescents et rosés. Le rouge gagne avec une aromatique nette (fruits rouges frais) et un boisé discret. La lisibilité de l’étiquette (degré visible, méthode, style) augmente le réachat. En CHR, le service au verre et l’accord mets (plats végétaux, poissons crus, cuisines épicées) soutiennent la perception de valeur.

La comparaison avec le vin traditionnel : volumes et trajectoires

Les volumes relatifs

Face aux dizaines de millions d’hectolitres des vins classiques, le No-Low « vin » reste un sous-ensemble. Mais sa pente de croissance est supérieure à celle du marché total. Les effervescents sans alcool dominent le segment, quand les tranquilles faibles en alcool progressent vite depuis une base réduite. Cette asymétrie explique la place accordée aux bulles dans les assortiments de GMS et d’e-commerce.

Les implications industrielles

Les chaînes d’embouteillage s’adaptent : rinçages renforcés, gestion du CO₂, remplissages à froid, bouchages techniques pour éviter les reprises fermentaires. Les coûts de transformation (énergie, membranes, colonnes) restent significatifs ; l’équation économique tient si les volumes par référence atteignent le seuil critique et si la rotation en sortie de rayon suit.

La feuille de route pour 2025-2027

Les priorités des producteurs

  1. Sécuriser les approvisionnements en cépages aromatiques stables (Sauvignon, Muscat, Riesling).
  2. Documenter la dealcoholisation (fiches techniques, profils analytiques) et l’ancrer dans un récit qualité.
  3. Travailler des gammes courtes et lisibles : blanc sec, rosé, effervescent brut nature, rouge léger.
  4. Déployer des cocktails au gin sans alcool n’est pas le sujet ici ; côté vin, privilégier des « spritz » sans alcool en partenariat avec des mixeurs premium pour élargir les usages apéritifs.

Les priorités des acheteurs

  1. Mesurer la rotation hebdomadaire et la marge nette par mètre linéaire.
  2. Éviter l’empilement ductions/étiquettes qui brouillent le rayon ; préférer deux niveaux de prix clairs.
  3. Exploiter les fenêtres promotionnelles saisonnières sans cannibaliser l’année pleine.
  4. S’appuyer sur Be No pour sourcer, benchmarker les procédés et harmoniser les fiches.

Une perspective ouverte

Le No-Low « vin » s’installe durablement par la technique, la clarté réglementaire et l’éducation du marché. Les plateformes B2B comme Be No comblent l’écart entre l’innovation et la distribution. La prochaine étape se jouera sur la précision des styles, l’écoconception des packagings et la preuve sensorielle à l’aveugle. Les acteurs qui piloteront simultanément qualité, coûts et récit de marque transformeront l’essai et capteront la valeur bien au-delà des seuls mois de modération.

Cours d’oenologie est un magazine indépendant.

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