Les grandes régions viticoles de Chine à la conquête du marché mondial
Panorama des régions viticoles chinoises : terroirs, volumes, cépages, qualité des vins, poids face à l’Europe et circuits de distribution.
En résumé
La viticulture chinoise s’est imposée en moins de trente ans comme un acteur majeur, avec près de 450 000 hectares de vignes, soit un vignoble comparable en surface à celui de la France. Toutefois, la majorité est destinée au raisin de table. La production de vin se concentre sur quelques bassins aux terroirs adaptés, soutenus par des investissements privés et publics.
Les principales régions sont Ningxia, devenue la vitrine des rouges de qualité, Shandong, toujours premier producteur en volume, Xinjiang, pour ses vastes plantations et ses vins de cépages internationaux, et Hebei, qui abrite Great Wall et des projets haut de gamme. D’autres zones émergent comme le Yunnan ou le Gansu.
La production chinoise atteint environ 7 à 8 millions d’hectolitres par an, loin derrière les grands pays européens, mais sa montée en qualité est notable. La distribution reste dominée par le marché intérieur, où la concurrence entre vins locaux et importés s’intensifie.
Le poids du vignoble chinois dans le monde
Une surface impressionnante mais un usage dual
La Chine compte près de 450 000 hectares de vignes en 2024, mais plus de 60 % sont destinés au raisin de table ou à la production de concentrés. La surface dédiée au vin est estimée à 270 000 à 300 000 hectares, contre environ 750 000 hectares en France et 680 000 hectares en Espagne.
En termes de volumes de vin, la Chine a connu un pic à près de 14 millions d’hectolitres en 2012, mais a reculé à environ 7 à 8 millions d’hectolitres en 2024, selon l’OIV. Cela place la Chine dans le deuxième groupe mondial, derrière la France (≈ 45 millions hl), l’Italie (≈ 47 millions hl) et l’Espagne (≈ 36 millions hl).
Ce tassement est lié à la baisse de la consommation domestique de vin rouge depuis 2018 et à la reconversion de certaines surfaces vers des cultures plus rentables.
Un marché intérieur toujours dominant
Plus de 90 % des vins produits en Chine sont consommés localement. Le vin importé (France, Australie, Chili, Espagne) a longtemps occupé un quart du marché mais est revenu à environ 15-18 % en 2024 après le rétablissement progressif des taxes sur l’Australie et le ralentissement économique. Les vins chinois gagnent des parts dans les segments d’entrée et de milieu de gamme, tandis que quelques cuvées premium rivalisent avec les crus étrangers.
Le Ningxia, vitrine des rouges chinois
Un climat continental favorable
Située au nord-ouest, à l’est du désert de Tengger, la région autonome de Ningxia Hui s’étend sur des plateaux à 1 100 à 1 200 mètres d’altitude. Le climat continental sec, les fortes amplitudes thermiques et les sols graveleux rappellent certaines conditions du Haut-Médoc. L’irrigation par le fleuve Jaune permet de maîtriser la vigueur des vignes.
Des rouges structurés et récompensés
Le Cabernet Sauvignon domine, souvent accompagné de Merlot et Cabernet Gernischt (variété locale). Les vins présentent une bonne structure tannique, des notes de fruits noirs et une fraîcheur maintenue par l’altitude.
Ningxia produit environ 40 % du vin chinois et a misé sur un modèle d’appellations locales : l’Indication Géographique Protégée Helan Mountain East Foothills.
Des marques comme Helan Qingxue (Jia Bei Lan), Silver Heights ou Xige Estate ont reçu des médailles internationales, dont des récompenses à Decanter et IWSC. Cela confère à Ningxia le statut de vitrine qualitative pour l’export, même si la majorité des ventes restent domestiques.
Le Shandong, premier bassin en volume
Le berceau historique de la viticulture moderne chinoise
Situé sur la côte est, le Shandong est la région historique du vin en Chine, notamment autour de Yantai. Le climat est plus humide que dans le nord-ouest, avec des pluies estivales qui imposent des pratiques phytosanitaires renforcées.
Les grands acteurs industriels
Des groupes majeurs comme Changyu Pioneer Wine, fondé en 1892, et Great Wall y concentrent une partie importante de leur production. Le Shandong privilégie aussi le Cabernet Sauvignon et le Merlot, mais produit également des blancs et des mousseux.
En volume, le Shandong demeure le premier bassin producteur, fournissant plus de 40 % du vin embouteillé en Chine. La qualité moyenne reste hétérogène, mais plusieurs domaines investissent dans des sélections parcellaires et des chais modernes pour hausser le niveau.
Le Xinjiang, vaste réservoir de matière première
Des conditions climatiques extrêmes mais favorables à la vigne
Le Xinjiang couvre de vastes plaines arides et ensoleillées, avec des amplitudes thermiques jour/nuit fortes et un risque limité de maladies cryptogamiques. L’irrigation est indispensable mais maîtrisée grâce aux réseaux issus du développement agricole.
Un rôle clé dans l’approvisionnement
La région a longtemps fourni du vin de volume destiné à l’assemblage ou à la distillation. Depuis une dizaine d’années, des producteurs locaux comme Puchang Vineyard ou Tiansai Vineyards misent sur la qualité, avec des cépages tels que le Cabernet Sauvignon, le Chardonnay et le Riesling.
Le Xinjiang contribue pour environ 20 % à 25 % du vin chinois, avec un potentiel de croissance lié aux surfaces disponibles et au faible coût foncier. La production reste principalement absorbée par le marché intérieur.
Le Hebei et le Shaanxi, acteurs historiques du nord
Le Hebei, berceau des grands groupes
Proche de Pékin et de Tianjin, le Hebei a développé la viticulture industrielle dès les années 1980 avec des entreprises comme Great Wall. Il produit surtout des rouges destinés au marché de masse et quelques cuvées premium. Son climat continental exige l’enfouissement des ceps en hiver pour les protéger du gel.
Le Shaanxi, pionnier discret
Plus au sud, le Shaanxi bénéficie d’un climat moins rigoureux et d’une viticulture plus ancienne. La région est connue pour des vins blancs secs et quelques rouges de cépages internationaux. Elle reste toutefois marginale en termes de volumes.
Le Yunnan et le Gansu, terroirs émergents
Le Yunnan, viticulture d’altitude
Dans le sud-ouest montagneux, le Yunnan, notamment autour de Shangri-La, développe des vignobles entre 2 000 et 2 600 mètres d’altitude. Les conditions fraîches et l’ensoleillement intense favorisent la maturité phénolique tout en conservant l’acidité.
Le Cabernet Sauvignon et le Merlot dominent, avec des styles plus fins et plus frais. Le Yunnan reste un petit producteur mais attire l’attention pour son potentiel qualitatif et touristique.
Le Gansu, entre tradition et renouveau
À l’est du corridor du Hexi, le Gansu possède une tradition viticole ancienne mais longtemps cantonnée à la production de masse. Des projets récents visent à améliorer la qualité et à développer des vins de cépages adaptés aux conditions semi-arides.
Les cépages et le style des vins chinois
La prédominance des rouges
Environ 80 % de la production chinoise est constituée de vins rouges, reflet des habitudes de consommation. Le Cabernet Sauvignon est le cépage phare, suivi par le Merlot et le Cabernet Gernischt.
Les blancs progressent, notamment le Chardonnay, le Riesling et le Petit Manseng, utilisés pour des secs et quelques liquoreux. Les vins effervescents demeurent marginaux mais affichent un potentiel, surtout pour le marché urbain.
L’évolution qualitative
L’accent est mis sur la sélection clonale, la limitation des rendements et la vinification sous contrôle de température. Les vins de Ningxia et de certaines parcelles de Xinjiang et Yunnan rivalisent désormais avec des cuvées internationales dans des gammes de prix de 15 à 50 €. La moyenne nationale reste toutefois orientée vers les vins d’entrée et de milieu de gamme.
La comparaison avec l’Europe
Des volumes encore modestes
Avec 7 à 8 millions d’hectolitres, la production chinoise représente environ un cinquième de celle de la France et un sixième de celle de l’Italie.
La consommation domestique de vin en Chine est estimée autour de 8 à 9 millions d’hectolitres, bien en deçà du pic de 18 millions d’hectolitres atteint en 2017. L’Europe, à l’inverse, reste exportatrice nette avec un excédent structurel.
Une progression qualitative mais un déficit d’image
Les crus chinois haut de gamme commencent à être reconnus, mais le pays souffre encore d’un déficit d’image à l’export, où les consommateurs associent souvent le vin de qualité à la France, l’Italie ou l’Espagne. Le défi est de construire des marques fortes, capables de s’imposer sur les marchés internationaux.
La distribution et la consommation en Chine
Un marché dominé par le commerce en ligne et les grandes villes
Les ventes passent majoritairement par les grandes villes côtières – Shanghai, Pékin, Canton – et par les plateformes de commerce électronique comme JD.com, Tmall et Pinduoduo.
Les cavistes spécialisés se développent dans les métropoles, mais l’achat en ligne demeure le principal moteur pour les classes moyennes urbaines. La consommation reste concentrée sur les segments cadeaux et restauration.
Une concurrence entre vins locaux et importés
Les vins chinois sont compétitifs sur l’entrée et le milieu de gamme grâce à des coûts logistiques réduits et un meilleur accès au réseau de distribution local. Les vins importés gardent l’avantage dans le haut de gamme, notamment les Bordeaux, Bourgogne et vins australiens, mais voient leurs parts de marché se tasser.
Les enjeux pour l’avenir
La recherche d’un modèle durable
La viticulture chinoise fait face à des contraintes climatiques (gel hivernal, stress hydrique) et environnementales (consommation d’eau, usage de produits phytosanitaires). Les investissements se portent sur l’irrigation raisonnée, la sélection de porte-greffes résistants et la viticulture de précision.
La conquête de la reconnaissance internationale
Les producteurs haut de gamme de Ningxia, Xinjiang et Yunnan ciblent les concours internationaux et les marchés d’exportation pour renforcer la notoriété. La montée en gamme progressive, si elle s’accompagne d’une amélioration continue de la viticulture, pourrait donner à la Chine un rôle plus affirmé dans le commerce mondial du vin.
Une dynamique à surveiller
La Chine dispose d’une surface viticole considérable, mais seule une partie contribue à la production de vins de qualité. Le rééquilibrage entre volume et valeur est en cours, soutenu par des investissements ciblés et une modernisation rapide des techniques. La concurrence croissante entre régions chinoises et l’ouverture progressive à l’international pourraient modifier la carte mondiale du vin au cours des deux prochaines décennies.
L’évolution du goût des consommateurs chinois, plus attentifs à la qualité qu’au seul prestige, jouera un rôle clé pour définir le modèle économique durable de cette viticulture émergente.
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