L’Italie s’installe comme la 2ᵉ nation viticole la plus compétitive, portée par ses volumes et ses effervescents, tandis que la France domine encore en valeur.

La France conserve la 1ʳᵉ place mondiale en valeur d’exportation des vins, grâce à ses grands crus et ses marchés haut de gamme. L’Italie, forte d’une récolte abondante en 2022 et d’un essor de ses vins effervescents, récupère la 2ᵉ place devant l’Espagne. Cette progression s’appuie sur des volumes massifs — près de 50 millions d’hectolitres en 2022 — et une montée en gamme progressive. L’Espagne, malgré la plus grande surface viticole au monde, souffre d’un positionnement prix faible et d’un enjeu majeur : la gestion de l’eau face à la sécheresse. Le classement des nations viticoles révèle donc un paysage européen dominé par trois grandes puissances aux stratégies divergentes mais complémentaires.

Le maintien de la France en tête

La France reste la nation viticole la plus compétitive en valeur. D’après le rapport de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), en 2022 elle a enregistré 12,3 milliards € d’exportations de vin, soit près du tiers de la valeur mondiale. Dans le même temps, la France a exporté environ 14 millions d’hectolitres en volume. Ces chiffres montrent que le leadership français s’appuie sur des prix moyens nettement supérieurs à la concurrence — un prix moyen d’exportation estimé à près de 6 €/litre contre environ 2,8 €/litre pour l’Italie. Le tissu viticole français reste orienté vers les appellations prestigieuses (Champagne, Bordeaux, Bourgogne) et les marchés exigeants. Ce positionnement valorise chaque hectolitre exporté et confère à la France une compétitivité axée sur la qualité et la valeur ajoutée. Le modèle français contraste avec un modèle volume-plus faible mais à marge élevée. De ce fait, même si d’autres pays gagnent en volume, la France demeure l’acteur de référence pour les segments haut de gamme et l’exportation valorisée.

Le bond de l’Italie : volumes et effervescents

L’Italie s’inscrit comme le grand gagnant de ce recentrage. Selon le classement publié par FranceAgriMer et repris par Gambero Rosso International, l’Italie a surpassé l’Espagne pour la 2ᵉ place mondiale des nations viticoles les plus compétitives. Cette progression repose sur plusieurs facteurs : la récolte 2022 estimée à environ 50,27 millions d’hectolitres, soit légèrement au-dessus de la moyenne quinquennale, malgré un été particulièrement sec. Une offre large qui permet d’alimenter exportations et segments à volume. De plus, l’Italie profite du développement des vins effervescents (notamment Prosecco et autres Spumanti), catégorie en forte croissance (+19 % en valeur entre 2021 et 2022 dans certains rapports de l’OIV pour la France et l’Italie). Sur l’export, l’Italie affiche une valeur d’exportation autour de 7,8 milliards € en 2022 (+10 % vs 2021) et un volume exporté d’environ 21,9 millions d’hectolitres. Le modèle italien est ainsi davantage axé sur le volume, la diversité régionale et l’accessibilité prix (prix moyen ~2,8 €/litre). L’enjeu sera désormais la progression des marges et la montée en gamme, afin de ne pas rester prisonnier d’un modèle uniquement volume-prix bas.

La situation de l’Espagne : grandes surfaces, faibles rendements valeurs

L’Espagne complète ce podium mais recule derrière l’Italie dans la compétition internationale. Le pays dispose de la plus grande surface viticole mondiale (près de 944 000 ha selon certaines estimations) et d’une production massive – par exemple 35,7 millions d’hectolitres en 2022 environ. Cependant, le prix moyen à l’export reste très bas (~1,25 €/litre selon certaines études) et la valeur d’exportation bien en-dessous de la France ou de l’Italie (environ 3 milliards € en 2022). Le positionnement espagnol reste fortement orienté volume et segments “entrée de gamme”. Un des défis majeurs est l’optimisation de la gestion de l’eau, essentielle dans un contexte de sécheresse récurrente et de changement climatique. Une agriculture qui dépend fortement de rendements élevés et d’irrigation marginale peut fragiliser la compétitivité future. Pour progresser en valeur, l’Espagne devra donc améliorer ses pratiques, renforcer ses segments premium et optimiser sa durabilité.

Les défis et perspectives : montée en gamme, durabilité et irrigation

Chacune des trois nations fait face à ses propres défis pour consolider ou améliorer sa place. Pour la France, le maintien de la valeur passe par la préservation des appellations et la gestion des volumes. Pour l’Italie, l’objectif sera de convertir ses volumes en valeur accrue, notamment par la montée en gamme et le renforcement des effervescents. Pour l’Espagne, l’axe prioritaire demeure l’augmentation de la valeur moyenne du litre exporté, ce qui exige une réforme structurelle vers des catégories premium et une meilleure gestion des ressources hydriques. La question de l’irrigation, de la sélection des cépages et des rendements maîtrisés est désormais centrale. Le classement des nations viticoles montre que la compétitivité ne se résume plus à produire beaucoup : elle exige aussi d’exporter au bon prix, dans les bons segments, et avec une durabilité avérée.

Le repositionnement de l’Italie comme 2ᵉ acteur mondial du vin ne doit pas être vu comme un simple changement de place : il illustre une mutation de fond dans la filière viticole mondiale. Le modèle italien, à forte composante volume mais en cours de valorisation, se différencie de celui de la France, centré sur la valeur. L’Espagne, malgré sa taille, montre les limites d’un modèle orienté volume sans montée en gamme. Le « classement des nations viticoles » devient ainsi un miroir des stratégies nationales : volume, valeur ou excellence. Les années à venir seront marquées par la capacité de chaque pays à adapter ses pratiques agronomiques, ses segments produits et ses marchés d’exportation pour tirer parti des nouveaux défis – climatiques, économiques et commerciaux – qui se présentent.

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