Production mondiale : l’Italie repasse en tête, la France s’effondre
La production mondiale de vin chute à son plus bas niveau en 60 ans. L’Italie reprend la première place tandis que la France signe sa plus faible récolte depuis 1957.
La production mondiale de vin atteint 225,8 millions d’hectolitres (Mhl) en 2024, soit une baisse de près de 4,8 %. C’est le plus faible volume enregistré depuis six décennies, conséquence d’aléas climatiques extrêmes, de pressions économiques et d’un recul structurel de certaines surfaces. L’Italie reprend la tête avec 44,1 Mhl, en hausse de 15 %, soutenue par une météorologie plus favorable dans le nord du pays. La France, avec 36,1 Mhl, chute de 23,5 % et signe son plus mauvais millésime depuis 1957 en raison de pluies, maladies fongiques et épisodes de chaleur tardifs. L’Espagne progresse modestement à 31 Mhl, grâce à une meilleure maîtrise du stress hydrique dans plusieurs régions. Dans l’hémisphère sud, les situations divergent : l’Argentine rebondit fortement (+23 % à 10,9 Mhl), tandis que l’Afrique du Sud recule à 8,8 Mhl et que les États-Unis subissent une baisse sévère (-17,2 %). Cette contraction globale accroît la pression sur les prix, les stocks et les exportations, montrant un secteur fragilisé par la répétition des crises climatiques et économiques.
La réalité d’une production mondiale au plus bas depuis soixante ans
Le chiffre de 225,8 Mhl illustre une dynamique inquiétante : le volume mondial se rapproche des niveaux observés dans les années 1960, à une époque où la consommation était pourtant largement supérieure à celle d’aujourd’hui. La baisse de 2024 n’est pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une succession de millésimes marqués par la sécheresse, la grêle, les maladies de la vigne et les variations extrêmes de température.
L’Europe, qui pèse traditionnellement pour près de 60 % de la production mondiale, a subi une météo contrastée. Certaines régions ont été frappées par des excès de pluie favorisant l’oïdium et le mildiou ; d’autres ont connu des vagues de chaleur au moment de la véraison, provoquant des blocages de maturité. Le résultat est un volume 2024 inférieur de près de 12 Mhl aux moyennes décennales, signal clair d’une difficulté croissante à stabiliser la production.
La situation n’est pas meilleure hors d’Europe. En Amérique du Nord, les inondations dans la région de Sonoma et les chaleurs extrêmes dans certaines zones de Californie ont réduit la récolte américaine. Dans l’hémisphère sud, les variations brutales – gel tardif, sécheresses, orages – compliquent l’activité viticole, même dans des régions traditionnellement résilientes comme l’Afrique du Sud.
Le leadership retrouvé de l’Italie sur un marché chahuté
L’Italie redevient premier producteur mondial de vin avec 44,1 Mhl en 2024. Cette hausse de 15 % contraste avec les difficultés rencontrées ailleurs en Europe.
Plusieurs éléments expliquent cette performance :
- Un printemps globalement stable dans les zones de production du nord, réduisant la pression des maladies.
- Une gestion maîtrisée de l’irrigation dans certaines régions du sud où la sécheresse reste un défi.
- Une progression notable des volumes dans des appellations comme le Veneto ou l’Emilia-Romagna, dont les rendements ont été supérieurs à ceux de 2023.
Cette remontée italienne ne doit cependant pas masquer les tensions. Le marché intérieur reste fragile, et plusieurs bassins viticoles signalent une hausse des coûts de production, notamment la main-d’œuvre et l’énergie. La forte dépendance aux exportations crée aussi une vulnérabilité en cas de ralentissement commercial sur des destinations clés comme les États-Unis ou l’Allemagne.
Néanmoins, dans ce contexte mondial dégradé, l’Italie montre une résilience notable, soutenue par une production diversifiée qui va du Prosecco aux grands vins rouges du Piémont et de Toscane. Cette diversification amortit les variations climatiques, contrairement à d’autres pays davantage concentrés sur quelques régions.
La France à son niveau le plus bas depuis 1957
La production française 2024 atteint 36,1 Mhl, soit une chute spectaculaire de 23,5 %. Il faut remonter à 1957 pour retrouver un niveau aussi faible, conséquence directe d’un cumul de perturbations météorologiques.
Plusieurs phénomènes ont marqué ce millésime :
- De fortes pluies au printemps ont encouragé la propagation du mildiou, particulièrement en Nouvelle-Aquitaine.
- L’été a alterné entre humidité excessive et pics de chaleur tardifs, affaiblissant les grappes sur des parcelles déjà fragilisées.
- Certaines régions comme le Languedoc ou le Jura ont subi des épisodes de grêle qui ont détruit plusieurs milliers d’hectares.
Cette contraction n’est pas uniquement quantitative. La baisse des volumes met sous pression les exploitations les plus fragiles, notamment celles qui avaient déjà été affectées par les faibles récoltes des années précédentes. Dans le Bordelais, des milliers d’hectares sont engagés dans des programmes d’arrachage, signe que la difficulté économique dépasse la seule variabilité climatique.
La France conserve toutefois sa position de leader en valeur, grâce à une offre premium (Champagne, Bourgogne, certaines appellations bordelaises) qui reste très recherchée à l’export. Mais la tendance 2024 rappelle que cette position repose sur une production devenue plus irrégulière.
Le redressement espagnol dans un environnement sous tension
Avec 31 Mhl, l’Espagne enregistre une hausse de 9,3 % en 2024. Cette progression repose sur une meilleure disponibilité hydrique dans plusieurs régions, notamment en Castilla-La Mancha, après des années de sécheresse sévère.
Le vignoble espagnol reste toutefois sous contrainte :
- Les nappes phréatiques demeurent basses dans de nombreuses zones.
- Le stress hydrique chronique oblige les producteurs à réduire les densités de plantation.
- Les pressions économiques sur les vins de volume continuent d’alimenter des arrachages sporadiques.
Cette amélioration de 2024 est donc une respiration plus qu’un retournement durable. L’Espagne possède le plus vaste vignoble mondial, mais une grande partie est dédiée à des vins de base destinés à l’export ou à la distillation. Le moindre choc climatique peut ainsi avoir un impact démesuré sur les volumes.
Les contrastes marqués dans l’hémisphère sud
L’hémisphère sud présente en 2024 un paysage à deux vitesses. Certains pays retrouvent des niveaux plus élevés, tandis que d’autres subissent la répétition des phénomènes extrêmes.
L’Argentine, un rebond bienvenu
Après plusieurs millésimes difficiles, l’Argentine affiche 10,9 Mhl, soit une hausse de 23 %. Les conditions climatiques plus stables ont permis une bonne maturation dans Mendoza et San Juan. Ce rebond reste fragile : le pays fait face à un manque chronique d’investissements, lié à une conjoncture économique instable.
L’Afrique du Sud, freinée par la sécheresse
Avec 8,8 Mhl, la production sud-africaine baisse de 5 %. Les sécheresses répétées, accentuées par l’épisode El Niño, ont limité les volumes malgré une bonne maîtrise technique des vignobles. L’enjeu majeur demeure l’accès à l’eau et la concurrence croissante d’autres cultures plus rentables.
Les États-Unis, victimes des extrêmes climatiques
La production américaine tombe à 21,1 Mhl, soit une chute sévère de 17,2 %. Des inondations printanières ont frappé la Californie du Nord tandis que des chaleurs extrêmes ont réduit les rendements dans certaines zones côtières. Le pays confirme ainsi une variabilité accrue d’une année sur l’autre, avec un impact direct sur le marché mondial du vin compte tenu de son rôle de premier consommateur.
Les conséquences économiques d’une production mondiale historiquement basse
Une production de seulement 225,8 Mhl accentue plusieurs tensions :
- Pression sur les prix : la baisse des volumes pousse certaines catégories à augmenter leurs tarifs, surtout dans les vins premium où la demande reste forte.
- Déséquilibre entre offre et demande : certains pays enregistrent des stocks en baisse, mais d’autres conservent des excédents, créant un marché fragmenté.
- Fragilisation des exportations : les pays traditionnellement excédentaires, comme la France ou l’Espagne, peuvent perdre des parts de marché si les volumes continuent à baisser.
Le marché mondial navigue donc entre raréfaction de l’offre et ralentissement de la consommation dans plusieurs régions. Cette combinaison crée une tension inédite : les producteurs doivent maintenir des prix suffisants pour couvrir les coûts dans un contexte où la demande ralentit dans les pays matures.
Les enjeux pour les années à venir dans un secteur en mutation
Le millésime 2024 confirme que le classement des producteurs mondiaux repose sur des bases mouvantes. La hiérarchie reste globalement stable, mais les écarts se resserrent et les volumes deviennent de plus en plus dépendants des aléas climatiques.
Les stratégies des prochaines années devront intégrer :
- Une adaptation accélérée au changement climatique.
- Une diversification vers des cépages plus résistants.
- Une réorganisation des vignobles pour réduire les zones les plus vulnérables.
- Une gestion plus fine des stocks, compte tenu de la variabilité annuelle croissante.
Cette transition est désormais incontournable. Le secteur viticole entre dans une nouvelle ère où la stabilité des volumes ne peut plus être considérée comme acquise, et où les grands producteurs devront concilier adaptation climatique, rentabilité et évolution des marchés.

