La Corse pourrait bien être le paradis de tous ceux qui s’adonnent à la distillation, la macération, les coupages et autres savants mélanges. La nature ayant été généreuse en la comblant de raisins produisant un vin vigoureux et de fruits parfumés, comme les citrons, les clémentines, les oranges, les cerises, les figues et le myrte, une tradition a pu, ici, traverser les siècles identique à ce qu’elle était jadis un peu partout sur le continent : l’art d’aromatiser et augmenter le degré des vins pour les rendre plus charpentés et surtout pour mieux les conserver.

Remontons au XVIe siècle, lorsque le vin muscat corse fait fureur en Italie, l’idée vient alors aux insulaires de faire macérer dans de l’eau-de-vie les fruits des récoltes locales. Elle va faire recette au-delà de tout espoir lorsque, dès le début du XIXème siècle, les premiers alambics font leur apparition sur l’île. La haute bourgeoisie française, qui se félicite d’avoir repris la Corse aux Génois en 1768, ne cache pas son engouement pour les liqueurs, en particulier celles parfumées aux agrumes , les Corses vont en tirer profit. Les villages corses se mettent à l’heure de l’alambic et de l’eau-de-vie et bientôt chaque famille élabore ses propres recettes et distille apéritifs et digestifs.

Les propriétaires de vergers et les vignerons en particulier concoctent leurs élixirs et, l’expérience aidant, n’hésitent pas à investir dans les équipements de production. Par exemple ; ils font d’abord macérer les fruits dans de l’eau de vie, qu’ils redistillent ensuite pour obtenir un concentré parfumé et incolore. Bon nombre de ces boissons ont pour base un vin rosé. La plus connue est le vin du cap Corse, au quinquina, créée en 1872 par Louis-Napoléon Mattei. Comme le Dubonnet ou le Byrrh, cet apéritif à base de vin visait la clientèle des troupes basées dans les nouveaux territoires d’outre-mer. N’était-ce pas là une façon agréable de leur administrer de la quinine, médicament miracle qui devait les protéger des fièvres et des troubles gastriques ?

Dans la foulée, sous son nom abrégé de « Cap Corse » cette boisson allait être pour tous les Corses partis aux quatre coins du monde un remède souverain contre le mal du pays. La société Mattei était devenue l’entreprise de spiritueux en plein essor de l’île. Elle s’était fixée pour but de perfectionner différentes recettes artisanales, d’en maîtriser la fabrication et de produire sous sa propre marque. Tous ces spiritueux ayant néanmoins une origine commune, on trouve des produits comparables, fabriqués par d’autres distillateurs plus modestes. Parmi eux, il faut citer le domaine Orsini qui fabrique avec ses propres fruits de bien séduisantes spécialités, que l’on ne peut sinon se procurer normalement que sous le manteau auprès de particuliers.

Parmi les elixirs Corse :

  • Le Cap Corse
  • La Cédratine – liqueur de cédrat et la Boanapartine (liqueur d’orange)
  • La liqueur de Myrte
  • Les vins de fruits
  • Le Rappu
  • L’eau de vie de chataigne